dimanche 25 novembre 2012

Buoux : pas de molesse sur la molasse

Il est des lieux sur lesquels le temps ne semble pouvoir avoir de prise. L’attrait, que dis-je l’attraction, de ceux-ci est inaltérable. Buoux et les falaises du vallon de l’Aiguebrun en font partie. D’abord parce que se sont écrit là quelques pages marquantes de l’histoire de l’escalade libre, mais aussi simplement parce que ces parois comptent incontestablement parmi les plus belles et riches du monde.

Depuis quelques années, la fréquentation de Buoux a baissé. On peut même aisément y grimper seul, ou presque. La faute aux effets de mode. Alors que les grimpeurs s’entassent dans les derniers spots en vogue, la molasse buouxienne a le temps de se refaire une beauté entre les passages des grimpeurs sur sa croûté. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi dans le vallon de l’Aiguebrun, loin de là... Il y a 25 ans, c’est même par une crise que l’histoire des falaises de Buoux a failli se terminer. Il faut dire qu’à l’époque, les falaises grimpables dans la région étaient bien moins nombreuses qu’aujourd’hui et que des perles de la qualité de Buoux, ça ne se trouve pas à tous les coins de vallées, même dans le sud de la France !
La falaise, du Pilier de fourmis au Bout du monde (© DR)

lundi 19 novembre 2012

Madagascar : bien plus qu’un simple voyage de grimpe

Fin juin 2005. Les derniers mois de labeur ayant entamé un peu le moral, se pose la question du choix de la destination pour les vacances estivales. Les falaises hispaniques mais ombragées de Rodellar étaient le premier choix, mais force est de constater que se retrouver avec la foule habituelle de grimpeurs sur ce genre de spot ne nous faisait pas vibrer outre mesure. Non, il nous fallait un vrai truc bien dépaysant. Un coup de folie et un cassage de tirelire plus tard (soit seulement quelques heures, en fait) nous voici munis de deux billets d’avion pour Diego Suarez via Tananarive. Madagascar, nous voilà !

dimanche 18 novembre 2012

Une petite dose de caillou

Il ne fallait pas manquer le créneau de ce week end "pas pire" en matière de météo. Pour une fois que le soleil daignait darder de ses rayons des journées autres que celles comprises entre lundi et vendredi, nous avons migré vers le Vercors.

L'objectif initial était de reprendre contact avec la falaise de l'Auberge espagnole, délaissée depuis de nombreuses années pour cause de marche d'approche un peu longue pour junior. Hardis, nous enquillons le sentier d'un pas alerte... jusqu'à croiser deux grimpeurs revenant de la falaise et cassant net notre élan : "N'y allez pas, c'est tout trempé de résurgences...". Bin merde alors ! Plan B, direction donc Côté court où au moins on est sûrs de pouvoir trouver quelques lignes grimpables.
Dans le peu parcouru mais pourtant fort joli 6c de "Child at time", tout à gauche de la falaise, avec une stat' d'équipement qui traîne là depuis des lustres !
Un quart d'heure plus tard, nous voici à pied d'oeuvre... avec, ici aussi, un sacré paquet de voies bien mouillées et infaisables. Pas grave, on fera avec ce qui est disponible.
Mais, si nous sommes partis de la cuvette grenobloise sous le soleil, ici c'est sous un épaisse chape grise que nous débutons. La température n'est guère clémente et même propice à la première onglée de la saison. Heureusement, le soleil parvient à crever la couche de nuage pour nous éclairer un peu dans cet après-midi. Pas beaucoup de voies faites, pas la grande forme, mais au moins un bon bol d'air avant de reprendre une semaine de labeur.

Les chroniques de l'ami québécois : Gott ist tot *

* Gott ist tot : Dieu est mort, citation connue de Nietzche annonçant la mort de dieu et l'avènement de l'homme comme dieu de remplacement.

C’était une prémonition ? Je relis mes deux dernières chroniques, celles qui parlaient d’un hypothétique Temple de la Renommée de l’Escalade. Et aujourd’hui, un de ceux que j’ai nommés, le premier à qui j’avais pensé considérant la médiatisation de sa carrière, Patrick Edlinger, n’est plus. Disparu… décédé…
Il a réussi à faire rêver la France. Il a réussi à me faire rêver. Il a amené une génération au pied des falaises et leur a montré la beauté du geste. L’engagement aussi … Plus rien ne fut pareil par la suite ! Patrick Edlinger, par un drôle de concours de circonstances, je ne l’ai jamais croisé, je ne lui ai jamais parlé, je ne l’ai jamais eu en entrevue. Je devrai vivre avec ce regret. Il y eu des prophètes puis Dieu apparut sur nos falaises. Et maintenant, Dieu est mort. Je ne l’ai jamais rencontré mais il a changé ma vie. Pour cela je ne peux que le remercier. Si certains veulent honorer sa mémoire et pérenniser sa légende et son legs, mes deux dernières chroniques indiquent ce qu’il faut faire. Pour Patrick, il est trop tard : l’hommage sera posthume. Je ne connais pas l’homme. Je connais la légende. Patrick Edlinger, la légende qui a créé l’Escalade.

Jean-Pierre Banville

samedi 17 novembre 2012

Le sandwich et le verre d'eau

C'était il y a trente ans, mais je m'en souviens comme si c'était hier. Je venais de débuter l'escalade l'année précédente, je balbutiais encore sur le rocher en harnais Batard intégral et chaussures Vibram Super Guide aux pieds... Et un soir, à la célèbre émission de télévision des "Carnets de l'aventure", on l'a vu. Vu ce jeune homme svelte à la souplesse incroyable, qui évoluait sur le rocher comme je n'avais jamais vu personne le faire jusque là. Une aisance, une simplicité, une efficacité... et l'engagement du solo ! Au bout des 26 minutes de "La vie au bout des doigts", j'ai su que la grimpe occuperait aussi une part importante de ma vie. Et je n'ai pas été le seul...
Patrick Edlinger sur les falaises du Verdon (© DR)

mardi 13 novembre 2012

Les chroniques de l'ami québécois : Les marchands du Temple

Suis-je abasourdi par le manque total d’intérêt suscité par ma dernière chronique ? Être surpris, même un peu, prouverait ma méconnaissance du monde de l’escalade ! Le milieu – le milieu et non pas les individus – est moins dynamique que les zombies qu’on nous présente sur le grand écran. Les zombies du spécial Halloween des Têtes à Claques se démenaient avec plus de presse que la majorité des structures paragouvernementales de la grimpe en France. Élire les zombies des Têtes à Claques dans les institutions départementales ? Réellement ?? Au comité directeur ??? Vous n’êtes pas sérieux ! De toute façon, ce n’est pas leur mandat, la valorisation de l’histoire de l’escalade et la reconnaissance des personnes qui nous ont fait rêver et qui ont transformé l’activité.

Certaines méchantes langues vont affirmer que si ce qu’on voit présentement au pied des voies, dans les salles et en compétition, c’est une évolution positive… aussi bien laisser le tout entre les mains des zombies ! Non, non… l’escalade évolue avec son temps : on valorise la performance, on mesure le temps, on grappille des + ou des – sur des voies approchant le degré zéro de l’élégance. On s’énerve sur des murs de copeaux de bois à suivre des lignes de plastique coloré. Le mythe de la liberté par le Vertical s’est écrasé, laissant la place au quotidien de faux-bourdons en mal de fécondation. Je vous l’annonce : le mythe du SOUL CLIMBER a vécu… Plus jamais on ne verra ses pantalons de coton blanc ou ses rutilants collants fluo. La modernité a tué l’impossible et par le fait même, le rêve. On ne grimpe plus pour le dépassement personnel, on grimpe pour la performance. Le plaisir a été évacué, la découverte balayée : il ne reste que le geste. La grimpe est passée d’une activité de découverte et de dépassement à un sport en bonne et due forme.

Alors pourquoi célébrer les précurseurs ? Les associations sont là pour assurer l’avenir ! On peut par contre se poser la question : qu’en est-il des entreprises qui ont aidé au développement, qui se sont répandues dans les magazines, qui ont publicisé une voie, un secteur, une falaise, une région ? Ces entreprises qui ne seraient rien si ce n’avait été de la visibilité que leur a amenée Edlinger, Berhault , Droyer, Tribout et tous les autres. Tous ceux qui nous ont fait rêver tout en transformant notre activité nous amenaient à consommer de nouveaux produits plus adaptés. J’ai possédé des collants fluo, c’est pas peu dire ! Et des cordes de 10.5 puis des cordes de 10.2 et des chaussons noirs et des chaussons jaunes et des baudriers… les baudriers … pourquoi si petits ? Les sacs à dos : j’en ai une tonne en bas et tous les modèles sont des modèles vus au dos de mes héros.

Quand on y pense, les grands oubliés dans tout ça, ce sont les manufacturiers ! La Grimpe s’est construite et ces manufacturiers ont fait un profit raisonnable en utilisant les grimpeurs de pointe comme phares d’Alexandrie. On va me dire que les temps ont changé et que les profits s’amenuisent et que la crise économique, et que le coût du transport, et que la distribution, et que la délocalisation… ah oui, c’est vrai… qui a ouvert les nouveaux marchés, ceux de milliards d’individus? Si j’étais un manufacturier d’équipement ou de vêtements de grimpe, je me précipiterais dans la porte que je viens d’ouvrir pour monter un Temple de la Renommée. Pour ensuite le présenter comme objet de mémoire à mes nouveaux clients… ceux qui ont cinq mille ans d’histoire… en leur faisant miroiter le fait que, bientôt, il y aura, dans ce Temple, des Chinois, des Indiens, des Vietnamiens , des Japonais (en fait il devrait y en avoir déjà deux), des Russes (déjà un ou deux, non ?), des Kazakhs, des… enfin vous voyez ce que je veux dire. Je ne peux croire que pas un de leurs commerciaux n’y a pensé !

C’est dans la nature de ces anciennes cultures que de vénérer les précurseurs. Il y a un facteur d’imitation évident dans cette approche. Et en prime, vous récompensez du bout des lèvres ceux qui vous ont aidé avant que vous ne soyez des multinationales… Personne n’y a pensé ! Pas un seul commercial ou wonderboy du marketing ! Voyons… Amenez les Zombies !!! Allez, dites-moi que vous ferez un Temple de la Renommée.

dimanche 11 novembre 2012

Red River Gorge, la plus belle falaise du monde ?

Ces dernières semaines, les falaises de Red River Gorge, dans le Kentucky (USA) ont été remises sur le devant de la scène par les ascensions historiques d'Adam Ondra (et quelques autres perfs remarquables aussi...). J'avais eu la chance de découvrir ce spot en 2007 lors d'un Petzl Roc Trip. La chance, car il faut bien admettre que ces parois font partie, à mon goût, du top five mondial des lieux qu'il faut pouvoir visiter dans une vie de grimpeur. Voici un papier que j'avais alors publié...

C’est à l’occasion du Petzl Roc Trip de l’automne 2007 que s’est présentée à moi l’opportunité d’aller voir sur pièces ce que pouvaient bien être les falaises de Red River Gorge tant vantées et photographiées. Sur le papier, nul doute que cela semblait être fantastique. Mais qu’allait-il en être sur le terrain ? Point de déception, RRG (pour les intimes) est bien ce qui se fait de mieux pour la grimpe...
Un 8a pas vraiment déversant mais majeur au secteur Bob Marley

samedi 10 novembre 2012

Les opportunistes

Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Enfin, c'est ce qui ce dit... Il faut surtout reconnaître qu'il appartient à ceux qui ont un peu de chance... et sont suffisamment opportunistes pour saisir cette chance. A la veille d'un week-end annoncé catastrophique question météo, nous avons pu profiter d'un petit créneau pour une séance de varappe...

Un matin ensoleillé à la veille d'une période de pluie... Voilà qui est bien tentant ! On expédie les affaires courantes et urgentes, on jette les sacs de grimpe dans le coffre de la voiture et feu vers le Vercors. A notre arrivée, le soleil est effectivement toujours de la partie, mais déjà pointent à l'horizon sudiste de petits paquets cotonneux bien gris.
Dans le 7a+ de "Coulée douce", une tradition...

lundi 5 novembre 2012

Une histoire du Saussois

En ce week-end de Toussaint, nous étions rendus en famille au Saussois, dans l'espoir d'y trouver la même météo qu'un an auparavant. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, loin de là... En lieu et place du beau soleil, nous avons eu droit à quatre jours de drache ininterrompue ! Bref, de quoi me donner un peu de temps et de recul sur plus de quinze ans de grimpe ici pour moi : beaucoup de voies réalisées mais surtout une expérience, des rencontres et l'imprégnation de ce site unique en son genre et de son "histoire".

Cela m'a donné envie de vous mettre ici en ligne l'article que j'avais publié il y a quelques années dans un certain magazine de varappe. Depuis cet article, les choses ont évolué, malheureusement pas dans le bon sens pour le site : le restaurant des Roches a fermé ses portes, de même que le gîte et le camping municipal, les falaises se sont désertifiées malgré l'effort louable (mais probablement trop tardif) de rééquipement des voies et même l'ouverture de quelques nouveautés abordables. C'est donc souvent avec tristesse que je constate la désaffection de ce site historique majeur (n'ayons pas peur des mots !) alors que les salles résineuses parisiennes sont bondées et que les grimpeurs font la queue au pied des blocs du Bas Cuvier. Mais ainsi va la vie des bouts de caillou...
Eric Vales tout en haut de la Grande Roche, dans l'intégrale de Magic Line

Les chroniques de l'ami québécois : Cette futile renommée…

 
Je sors de chez le médecin. Un de mes yeux ne va pas bien. Je ne sais pas ce qu’il a fait pendant que j’avais le dos tourné mais ça a fait monter sa pression. Une fille sans doute … il aurait pu m’avertir, cet œil, parce que depuis quelque temps, j’ai un vague sentiment d’invisibilité.

Faut dire que ce n’est pas ici que je vais trouver quelqu’un avec qui discuter : les conversations intelligentes sont aussi rares que les dodos dans la taïga ! Oui, une fille… c’est la seule raison possible pour une hausse de pression oculaire. C’est l’âge qui fait ça… on perd les yeux, on perd la mémoire… Vous vous souvenez de quoi, vous autres ? Combien de numéros pour Roc and Wall ? Le nom du premier piolet de cascade ? Première compétition d’escalade ? Les ‘’inventeurs’’ du libre en France ? Vous ne vous souvenez pas du nom des ‘’inventeurs’’ du libre en France ? Vous voulez dire que vous ne le savez pas ? Ou que vous l’avez oublié ? Parce qu’ils sont encore vivants, les ‘’inventeurs’’! Une facile : qui fut le grimpeur français ayant récolté le plus de médailles en compétition ? Encore plus facile : quel est le meilleur magasin de montagne et d’escalade en France ? Ben voyons ! Facile, facile : ‘’Le Conquête des Plateaux’’ à Cavaillon, propriété de Dollard Falot … Oui, je sais… Falot, c’est mon personnage… mais s’il y avait une meilleure boutique, ce serait la sienne.

Tout cela pour dire que, vous et moi, on ne se souvient plus de rien. Ni de personne. Et c’est ce qui me dérange un peu : de personne. J’ai écrit il y a quelque temps sur l’importance d’un Musée de l’Escalade et la préservation de notre héritage. Je vais ici aller plus loin ! Dans d’autres disciplines bien connues : le hockey, le baseball, le football, nos amis américains ont mis sur pied une structure intéressante. LE HALL OF FAME ! Le Hall of Fame, c’est là où sont élues les figures marquantes d’un sport, celles dont la carrière a marqué l’activité. Ce peut être un lieu virtuel mais c’est souvent, pour les sports professionnels, un endroit qui rassemble les informations pertinentes, les trophées, médailles, coupures de presse et autres et qui conserve, pour la postérité, la mémoire d’individus hors normes. Le Hall of Fame, ce n’est pas le Panthéon. Aucun sportif ne peut se vanter de dormir pour l’éternité au Panthéon : l’apport de Voltaire à l’humanité n’est pas comparable à l’apport de Wayne Gretzky (mais qui est ce Wayne Gretzky ?). Le Hall of Fame, c’est le Temple de la Renommée et en escalade, c’est inconnu. Personne ne se souvient de rien et personne ne veut prendre les moyens pour honorer, de leur vivant – si possible – les gens qui nous ont fait rêver. Pourquoi ? Parce que nous sommes une discipline sans Histoire ? Parce que nous sommes une discipline sans histoires? Sans doute un peu des deux… Pourquoi ne pas honorer Droyer et Bouvier ? Pourquoi ne pas honorer Edlinger ? Legrand, Petit, Tribout ? Pourquoi pas Chabot ? Pourquoi pas Jouty ?

Un Temple de la Renomme de l’Escalade. Je verrais bien, moi, une fois par année, un rassemblement de tous ces gens et de d’autres qui seraient appelés à voir leurs noms inscrits pour l’éternité dans la mémoire collective. Imaginez le spectacle ! Faut-il attendre qu’ils soient totalement froids pour dire d’eux qu’ils nous ont fait rêver ? Nous manquons un peu de cœur. Certains d’entre nous ont consacré toute leur vie à faire avancer notre passion commune et on n’est pas capable de mettre leurs noms sur une plaque. Quelques petites photos pour la postérité. Un site web avec de vieux articles. Un rassemblement au pied d’une falaise phare une fois l’an. Un Temple de la Renommée de l’Escalade. C’est une idée incontournable et qui ne coûte presque rien à réaliser. Je la lance ici, l’idée. Et je mets les Puissances en place au défi de la réaliser dans la prochaine année. Tiens, pour le début du mois de mai prochain alors que je serai en France. Sept mois, c’est énorme pour faire œuvre de mémoire ! Le Temple de la Renommée de l’Escalade. J’ai déjà hâte de le visiter.