lundi 5 novembre 2012

Une histoire du Saussois

En ce week-end de Toussaint, nous étions rendus en famille au Saussois, dans l'espoir d'y trouver la même météo qu'un an auparavant. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, loin de là... En lieu et place du beau soleil, nous avons eu droit à quatre jours de drache ininterrompue ! Bref, de quoi me donner un peu de temps et de recul sur plus de quinze ans de grimpe ici pour moi : beaucoup de voies réalisées mais surtout une expérience, des rencontres et l'imprégnation de ce site unique en son genre et de son "histoire".

Cela m'a donné envie de vous mettre ici en ligne l'article que j'avais publié il y a quelques années dans un certain magazine de varappe. Depuis cet article, les choses ont évolué, malheureusement pas dans le bon sens pour le site : le restaurant des Roches a fermé ses portes, de même que le gîte et le camping municipal, les falaises se sont désertifiées malgré l'effort louable (mais probablement trop tardif) de rééquipement des voies et même l'ouverture de quelques nouveautés abordables. C'est donc souvent avec tristesse que je constate la désaffection de ce site historique majeur (n'ayons pas peur des mots !) alors que les salles résineuses parisiennes sont bondées et que les grimpeurs font la queue au pied des blocs du Bas Cuvier. Mais ainsi va la vie des bouts de caillou...
Eric Vales tout en haut de la Grande Roche, dans l'intégrale de Magic Line

Le Saussois, réhabilitation d’une falaise mythique
Fréquentée durant des décennies par les plus grands grimpeurs de France et de Navarre, un temps à la pointe de la haute difficulté mondiale, toujours historique pour les faits d’armes qui s’y sont tenus, le Saussois a, depuis quelques années, sombré quelque peu dans l’oubli. Après un rééquipement quasi-systématique de ses voies, elle connaît désormais un second souffle réjouissant. Entre mythes et réalités, voici donc un tour du propriétaire qui devrait raviver la flamme chez les grimpeurs curieux… 

Avant tout connus comme les “falaises des Parisiens”, les rochers du Saussois (sans oublier ceux du Parc, très proches) doivent définitivement être émancipés de cette tutelle et de cette appropriation injustifiées. Le Saussois se trouve bel et bien en Bourgogne, a compté et compte toujours ses aficionados locaux et n’a de parisien que ses visiteurs du week-end qui y ont, il faut malgré tout le reconnaître, laissé des empreintes marquantes. Sans sombrer dans la nostalgie et le passéisme, il est sans doute bon de faire un petit retour historique sur la vie trépidante qu’ont pu connaître ces rochers si particuliers. Sis à une trentaine de kilomètres au sud d’Auxerre, dans l’Yonne, les rochers du Saussois ont d’abord été le terrain de jeu forcé des grimpeurs d’Ile de France, en zone occupée durant la seconde guerre mondiale. Dès la fin de celle-ci, la falaise demeura l’un des terrains d’entraînement favoris des alpinistes du “nord” pour qui les difficiles ascensions d’artificiel, au pitonnage aléatoire et difficile, permettaient une mise à niveau intéressante avant les virées estivales dans les Alpes pendant les fameux et pas si vieux congés payés. Mais, dès les années 60, un virage est pris en ce lieu si particulier. Les meilleurs grimpeurs fréquentant le site, souvent également adeptes de la grimpe pure sur les blocs de Fontainebleau, décident de pousser le jeu de l’escalade sur ces falaises un peu plus loin en minimisant au maximum le nombre de points d’ancrages dans les voies ! On s’en doute, moins il y a de points, plus il faut “grimper vraiment” entre ceux-ci, c’est-à-dire progresser en ne servant que des prises. Une certaine vision de l’escalade libre venait de naître ici, pour l’instant pas encore aboutie. En effet, si l’engagement, voire souvent l’exposition de cette escalade était bien réelle entre les points, on s’autorisait encore à se pendre pour se reposer et se tracter sur les pitons qui demeuraient en place. Cette façon de grimper très nouvelle trouvera son appellation : ce sera le “libre Saussois”. Mais à chaque médaille son revers : ce type d’escalade se pratique dans les anciennes lignes d’artif’ qui, si elle méritaient souvent d’être légèrement nettoyées de l’encombrante ferraille qui les jalonnaient, se voyaient souvent carrément épurées ! Du coup, les grimpeurs old school ou n’ayant pas le niveau de libre ne pouvaient plus les fréquenter d’où quelques joutes pas seulement verbales entre les tenants des différentes éthiques… On peut toutefois noter qu’une certaine vision élitiste de l’activité était quand même de mise en ces lieux, une réalité encore renforcée par la faune fréquentant ces falaises. Des grimpeurs de renom certes (Paragot, Bérardini, Magnone, Lesueur, Desmaison, Couzy, Terray), mais dont le talent, le haut-niveau et surtout la propension à la déconnade et la farce potache ont créé toute une ambiance particulière. Étranger (c’est-à-dire non membre du cercle fermé des initiés !), attention à toi, tu risquais fort des désagréments multiples en venant grimper ici : de la simple raillerie à la blague de plus ou moins mauvais goût dont on préfèrera aujourd'hui encore taire la teneur. Autant dire que la mauvaise réputation totale du Saussois était faite.
Escalade à la très peu fréquentée face est...
Un seul mot d’ordre : l’innovation
Malgré tout, l’évolution de la conception même de l’escalade apparue là, fortement novatrice, a impliqué dans son sillage toute une autre révolution au niveau de l’équipement laissé à demeure dans les voies. Il faut bien le reconnaître, le rocher du Saussois n’est pas toujours une merveille de solidité, a fortiori lorsqu’il est neuf et peu fréquenté. Du coup, s’il l’on enlevait la plupart des pitons en place dans les longueurs, il fallait s’assurer que ceux qui restaient en place allaient véritablement le demeurer en cas de chute ! En pitonnant dans certains trous aux rebords friables ou tout simplement trop larges pour les pitons classiques, rien de moins sûr. La solution passait donc par le scellement des pitons, ce qui fût fait à l’aide de simple mortier. Non seulement le Saussois venait d’ouvrir la voie du libre en France, mais c’est également ici que l’on a sans doute conceptualisé ce qu’allait devenir par la suite la logique d’un équipement à demeure et fiable en site sportif. Pas si mal pour un site presque oublié aujourd’hui.
Mais la belle histoire du site ne s’arrête pas en si bon chemin. La logique du “libre Saussois” doit être poussé jusqu’au bout. Ailleurs en Europe, le libre intégral a déjà fait son apparition, en Angleterre en particulier. Ici aussi le virus sera sévère et, dès le milieu des “seventies”, la bataille pour les premières en libre fait rage. Le plus teigneux et efficace dans le style est le fort controversé Jean-Claude Droyer. Très rapidement, de nombreux autres grimpeurs se prennent au jeu et l’on assiste alors à une véritable explosion du niveau. Les anciennes lignes d’artificiel puis de “libre Saussois” mythiques tombent en libre et deviennent des monuments du même ordre : ainsi de “La Jules”, (6c), de “La ouest” (6c+), de “La super-échelle” (7a dur), et surtout de “L’ange” (7b) puis de “Chimpanzodrome” (7c+) pour ne citer que les plus emblématiques. Pourtant, une fois de plus, tout ne se fait pas la joie et l’allégresse pour tout le monde puisque certaines voies libérées sont rebaptisées et que le nombre de points continuent de baisser, excluant de fait les grimpeurs moins pointus. L’ère du libre à la française était néanmoins ouverte au yeux du plus grand nombre. Pour être juste, on signalera qu’un tel processus avait également cours en d’autres régions, mais que c’est sans doute par son aura internationale que le Saussois a mis le libre sur le devant de la scène française.


Mode et modernité
Au début des années 80, le Saussois est toujours et plus que jamais un site incontournable du grimpeur éclairé, même au niveau international. Il faut dire que l’on y trouve alors une sacré brochette de voies de top niveau. Outre “Chimpanzodrome” (réussi par Jean-Pierre Bouvier au printemps 1981), il y donc aussi l’impressionnant et engagé “Ange” en 7b (par Laurent Jacob), “Le toit du Fix” en 7b aussi, puis peu après (en 1984) ce qui sera le premier 8a+ du pays : “Le bidule”. Dès lors, tout le gotha de la grimpe de l’époque fait le déplacement sur les rives de l’Yonne. On y voit un Wolfgang Güllich et Jerry Moffat y signe les prémices d’une tournée mythique, par exemple. Mais les Français ne sont pas à la traîne. Une génération de Parisiens en chassant une autre, ce sont les alors tout jeunes Jibé Tribout, Antoine et Marc Lemenestrel (entre autres) qui vont faire continuer l’aventure extraordinaire de cette falaise qui ne l’est pas moins.
Parallèlement, ces mêmes grimpeurs, mais aussi quelques autres dont l’inépuisable Thierry Fagard, poursuivent l’équipement systématique de tous ce qui ressemble de près ou de loin à une ligne grimpable. Ainsi, malgré sa réputation d’élitisme forcené, le Saussois s’ouvre réellement à un plus grand nombre de grimpeurs, de nombreuses voies dans les cinquième et sixième degrés voyant le jour. Surtout, ces nouvelles possibilités se voient pourvues d’un équipement qui, s’il n’est pas abondant loin s’en faut, est nettement plus rationnel et adapté aux grimpeurs auxquels il s’adresse. On met désormais un peu de côté l’égo de l’ouvreur en mettant des points pour protéger la voie, même là où on n’en n’a pas tant besoin, mais pour que la protection soit correcte pour un grimpeur au niveau de la voie. Quel changement par rapport aux lignes historiques “faciles” souvent carrément exposées. Inévitablement, la croissance et l’amélioration des possibilités du site induisent une fréquentation en hausse et il est alors courant de voir, durant les week-ends du printemps et de l’automne, des bataillons de grimpeurs sur les rochers et autant de voitures sur les berges de l’Yonne que sur celles de la Seine en semaine !
Symphonie pour cordes, 6c aux Rochers du Parc
 Les heures de gloire du Saussois n’en sont toujours pas à leur terme puisque quelques croix retentissantes vont encore faire l’actualité du début des années 90. Avec Jibé Tribout encore, qui réalise le dur 8b+ de “Revanche”, puis avec Jean-Pierre Bouvier qui s’offre successivement “Insoumission”, 8c et “Le tigre bleu”, 8c+. On passera sur l’épisode “Festins de pierres”, 8c+/9a, qui n’a d’intérêt que pour sa cotation, la voie étant vraiment laide (désolé Jean-Pierre…). À l’époque, les répétitions de voies vont bon train, les plus actifs étant les locaux Eric Vales et Benjamin Petit mais aussi le parisien Christian Roumégoux (qui a tout fait !) et le gang des Dijonnais avec à sa tête Marc Verdoia. Et puis, au milieu des années 90, c’est le début du déclin. La naissance des salles d’escalade doublée du regain de la passion du bloc chez les plus jeunes fait que les grimpeurs ne quittent plus leur ville pour venir tâter du mono et du bidoigt au Saussois. La falaise se désertifie d’autant plus vite que les rares nouveaux venus sur le site découvre une falaise chargée d’histoire où l’équipement n’est pas très “conciliant” et a surtout vieilli. En tout cas, c’est certain que les clous scellés au ciment et bien éloignés inspirent moins que les spits béton tous les mètre-cinquante en salle ! Quant aux habitués, eux aussi quittent progressivement le navire, ayant plus moins fait toutes les voies possibles pour eux.

Réhabilitation et renaissance
Quelle tristesse de voir ce site mythique sombrer petit à petit dans l’oubli. Mais pas pour tout le monde. Sous l’impulsion des grimpeurs locaux, soutenus par des fonds alloués par le comité fédéral local, un vaste programme de rééquipement “moderne” des falaises est mis en œuvre afin que le Saussois redevienne une falaise vraiment fréquentable et donc fréquentée. Eric Vales et surtout Pascal Calmus partent donc perfo en main et procèdent au remplacement systématique des vieux clous par de belles broches scellées bien solides. Mieux même, les vieilles classiques surexposées voient le nombre de leurs protections croître pour devenir plus normal. Fini donc les voies de trente mètres en 5 protégées (enfin façon de parler !) par quatre points pourris. Et puis, on organise quelques manifestations sur les falaises pour les remettre sur le devant de la scène : un festival de danse escalade sur rocher, le challenge des “8 heures du Saussois” (enchaînement, par équipe, du maximum de voies possible en huit heures)…. Au final, le bilan est plutôt positif puisque le Saussois voit aujourd’hui de nouveau les grimpeurs le fréquenter en masse.
Dans un nouveau 6b+ au dessus de l'auberge des Roche
 Il faut dire que, dans la région au sens large du terme, une falaise de cette importance conserve des atouts pour séduire. Certes, l’honnêteté pousse à dire que le rocher n’est pas merveilleux partout et est même parfois pénible à grimper. Il peut être cassant, patiné, douloureux pour les doigts. Mais il y a aussi des zones grises superbes n’ayant rien à envier aux plus beaux calcaires du Sud. Surtout, l’escalade ici est toujours extrêmement technique et physique, donc intéressante. En effet, la plupart des prises sont des trous, souvent petits, et il n’est pas rare de prendre des monodoigts dans du 6a ! Qui dit trou dit malheureusement prises de pied rares et dures à charger. Il faut donc être très précis en pied pour s’en sortir, mais également avoir de bon bras pour tirer comme un sourd lorsque cela devient trop la misère pour les membres inférieurs. Un cocktail détonnant et parfois rebutant au début. À savoir également, les cotations n’ont pas la réputation, généralement justifiée d’ailleurs, d’être gentilles. À ceci plusieurs raisons dont l’une, essentielle, tient à l’aspect historique de certains itinéraires et de leur cotation, établis comme étalon. Par exemple, “La diagonale” était cotée VI en libre Saussois et s’est transformé “logiquement” en 6b en libre ! Vraiment pas un cadeau, mais une référence qui dure…
Ne vous découragez pourtant pas pour autant. Les voies plus récentes se sont émancipées de ce diktat et sont donc plus raisonnables, sans faire vraiment de “cadeau” quand même. Et puis, en s’habituant au style de grimpe local, on finit aussi par trouver l’escalade moins difficile. Autre avantage de ces falaises : leur faciès. Si les rochers du Parc sont constitués d’une longue barre assez uniforme, ceux du Saussois sont faits de petits groupes de plus ou moins grande envergure et d’orientations et profils variés. On peut ainsi passer en quelques secondes de marche de la couenne de dix mètres à une grande face de quatre-vingts mètres. Des zones sont à l’ombre le matin, d’autres le soir et on peut même envisager d’y grimper lorsqu’il fait un peu chaud (évitez quand même l’été, la Bourgogne est très chaude). Enfin, quand on disait que le Saussois s’était démocratisé et même ouvert à tous, ce n’était pas un vain mot. Dès la fin des années 80, Thierry Fagard a œuvré pour défricher des secteurs entiers sur la gauche des rochers du Parc (La montagne des gosses, Le mur des nains géant) afin d’en faire des zones accessibles aux grimpeurs débutants ou débrouillés. Même si la hauteur des voies atteint difficilement les quinze mètres, les voies y sont intéressantes pour la plupart, très bien équipées, ombragées par les arbres et ont surtout déjà l’avantage d’exister pour les grimpeurs de ce niveau (du 4- au 5+).
Chimpanzodrome, la voie du Saussois, 7c+
Spécialités locales
Falaise unique par son histoire, le Saussois ne l’est guère moins par diverses autres caractéristiques. Ainsi, jusqu’il y a fort peu de temps (avant le rééquipement en fait), les voies sortaient au sommet, c’est-à-dire qu’il fallait se rétablir sur le plateau pour aller trouver un point souvent unique de relais ; la moulinette était de ce fait presque impensable. Sans doute était-ce là la trace des premiers grimpeurs à avoir fréquentés le site, soit des alpinistes considérant qu’une ascension n’est valide que si l’on se tient au sommet ! Désormais, la quasi-totalité des relais se trouve au bord sommital de la falaise, sur deux points (broches, sans chaînes ni maillons ceux-ci disparaissant trop vite…). En revanche, une chose n’a pas changé : aucun nom n’est inscrit au pied des voies. Nulle part. Pour se repérer, il est absolument impératif donc d’être muni du topo et, même comme cela, les conseils avisés des connaisseurs seront souvent utiles pour ne pas se fourvoyer. Et tiens, puisque l’on parle topo, l’actuel étant épuisé et de toute façon obsolète (il date de dix ans), une nouvelle édition est en préparation pour l’année prochaine, alors un peu de patience. Autre spécificité locale, l’accès par le haut, à pied ou en voiture ! Une grande majorité de voies est en effet accessible soit par une approche par le bas, exténuante par ses trente secondes à deux minutes de marche, soit, pour les fainéants, par le haut en voiture et la route passant sur le plateau, des couloirs faciles permettant ensuite de communiquer entre celui-ci et le pied des voies. Seules les voies du Parc sont préservées de ce type d’accès “routier”, mais gardent quand même un sentier de ronde au sommet de la face. Ainsi, le grimpeur craintif ou l’amoureux de la dégaine en place pour l’essai qui tue peut-il à loisir descendre en rappel ou en moulinette dans les voies avant de les monter !
Pour terminer, la meilleure spécialité locale est probablement la terrasse du resto’ des Roches. Au pied de la falaise, elle a été et demeure un lieu incontournable autant pour mater et critiquer ceux qui grimpent juste au-dessus que pour se désaltérer, se rafraîchir d’une coupe glacée ou, mieux encore, se gaver d’un bon jambon à la chablisienne avec des frites. Du menu diététique qui vous requinque entre deux essais dans un projet !
Cathlynn, 7b majeur
Thierry Fagard 
Sans ce personnage, il y a fort à parier que le Saussois ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Non seulement Thierry fut l’auteur de plusieurs éditions du topo, mais c’est également lui qui s’est le plus investi dans l’équipement de nouvelles voies à l’époque où plus grand-monde ne songeait ou n’était motivé pour ouvrir sur le site. Qui plus est, il fut le premier a initié un équipement réfléchi pour l’escalade libre, autant en terme de qualité des ancrages (scellements) que de positionnement des points pour le mousquetonnage. Bref, Thierry Fagard est une véritable figure incontournable du Saussois que sa discrétion ne doit pas éclipser. Aujourd’hui, même s’il ne grimpe plus, il est là presque tous les week-end, naviguant entre sa cabane, les courts de tennis et le pied des falaises, son “jardin”.
Thierry Fagard, légende vivante !
Les anecdotes croustillantes des “anciens”
Dire que la bande des “anciens” du Saussois était constituée de furieux déconneurs est un euphémisme ! Les bons et les mauvais coups furent légion pendant des années et se racontent encore aujourd’hui pour certains, faisant par là même perdurer le mythe du site. Ainsi, il se dit par exemple qu’un jour des grimpeurs profitèrent d’un moment d’inattention des gendarmes locaux pour leur subtiliser leurs bicyclettes et aller les accrocher en plein milieu de la Grande Roche. De quoi entretenir de bonnes relations avec la maréchaussée pendant un petit moment ! Des histoires comme celle-ci, il y en a des wagons et rien ne vaut de se les faire conter par leurs acteurs au détour d’une soirée arrosée en leur compagnie sur place…

Le resto’ des Roches
Plus qu’un hâvre d’accueil pour tous les grimpeurs, le restaurant des Roches a toujours été une “institution” du Saussois. Tenu par le plus que chaleureux couple Moreau jusqu’il y a encore quelques années, il a été le théâtre de repas gargantuesques, de cuites mémorables pour fêter quelque ascension marquante mais aussi de joutes verbales entre des protagonistes plus ou moins en état de disserter. Surtout, sa terrasse placée stratégiquement juste au pied des falaises a un double avantage : celui de pouvoir passer commande depuis le relais des voies et celui de voir les grimpeurs faire le spectacle lorsque l’on y est assis ! Du coup, toute journée “normale” au Saussois doit se terminer aux Roches. D’autant qu’une fois qu’on y a mis les pieds, on est refait : certaines spécialités locales, comme le framboisier, sont connues à l’autre bout de la France, même par des gens qui ne sont jamais venus, juste par réputation… Un incendie il y a quelques années a malheureusement fait disparaître bien des souvenirs (photos, cartes postales, lettres…) qui caractérisaient ce lieu, pourtant cela reste un endroit chargé d’histoire.
La voie des Trous, 6a+ exigeant et physique
Les cabanes
À force de venir les week-end, les anciens ont fini par s’installer un minimum de confort pour “squatter” les lieux. Les forêts cernant le Saussois se prêtèrent bien à accueillir de sommaires constructions en bois qui les mettaient à l’abri pour leurs nuits sur place. Les cabanes se montèrent donc souvent “à l’arrache” et sans permis. Puis, avec le temps, certaines se sont modernisées, celles des plus assidus des grimpeurs. On en connaît même qui se sont définitivement installés sur place pour y vivre ! Aujourd’hui, on en dénombre une quarantaine, mais en revanche il n’est plus possible de les modifier et encore moins d’en monter une nouvelle ! Il vous faudra faire copain avec le proprio et vous faire inviter pour en profiter…

Le Saussois Pratique
- Accès : du nord, par l’autoroute A6, sortie Auxerre sud puis direction Avallon par la N6. Dépasser Vincelles puis prendre à droite (D100) vers Bazarnes et Mailly la Ville. Après ce village, continuer vers Merry sur Yonne où se trouve le Saussois. Pour les rochers du Parc, 1,5 km avant Merry sur Yonne, il faut tourner à droite vers Mailly le Château et trouver la falaise à 300 mètres.
Du sud, par l’A6, sortie Avallon. Aller à Avallon puis vers Auxerre par la N6. Environ 3 km après Valloux, prendre à gauche vers Vézelay, faire de nouveau 3 km et aller à droite vers Montillot. Passer ce village, puis Fontenille et Chatel Censoir. De Chatel Censoir, aller ensuite à Merry sur Yonne.
- Approche : impossible de se perdre, les falaises sont juste au-dessus de la route !
- Matériel : 12 dégaines, corde de 70 mètres, éventuellement quelques sangles pour une lunule ou rallonger un ancrage de relais sur le plateau.

Sélection de voies
Rochers du Parc : “La tubulaire”, 4, “La dame de Mailly directe”, 4+, “Éjaculation précoce”, 5+, “Gallop », 5+, “L’orientale directe, 5+, “Onirisme”, 6a, “Alea jacta est”, 6a+, “Yanou directe”, 6a+, “Ho Chi Minh”, 6b+, “La pervenche”, 6b+, “Crise du logement”, 6b+, “L’imposition des mains”, 6c, “Charlouse”, 6c, “Ragassous”, 6c+, “Héliogabale”, 7a, “Gare à la bête”, 7a+, “Joe’s garage, Act 13, 7b, “Vieux garçon”, 7b+, “Départ dos crawlé, 7b+, “Imagination lactique”, 8a.
Le Saussois : “Arête du grand gendarme, 3+, “La grenouille”, 5, “La Rech”, 5/5+ max, “La traversée Paragot”, 5/5+ et A0 max, “La locomotive », 5+, “Un doudou peut en cacher un autre”, 5+/6a, “La Tricou droite”, 6a, “La voie des trous”, 6a+, “Super loco”, 6a+, “Le penchant fatal”, 6a+, “La diagonale”, 6b, “L’arête jaune”, 6b max, “Un cafard d’encre noir”, 6b+, “La toufou”, 6c, “Lupissima”, 6c, “Pepette show”, 6c, “Francinou”, 6c, “La ouest”, 6c+, “Super échelle”, 7a, “Samba carioca”, 7a+, “Cathlynn”, 7b, “Les bras de Morphée”, 7b, “L’ange”, 7b, “Le toit du Fix”, 7b, “Chercheur d’or”, 7b+, “Président direct”, 7c, “Le singe roux”, 7c, “L’ampleur du malaise”, 7c, “Terminator”, 7c+, “Chimpanzodrome”, 7c+, “Perte et fracas”, 8a, “Ouragan”, 8a, “Mambo”, 8a, “Sacrilège”, 8a+, “Dégueulo”, 8b, “Revanche”, 8b+, “Insoumission”, 8c.

9 commentaires:

  1. bonjour, mon père, Adrien Billet, a été un de ces jeunes grimpeurs d'après guerre qui ont fréquenté le Saussois et ouvert qq voies. Cette histoire de vélo accroché me rappelle une histoire d'enfance... Je crois bien que mon père me l'a racontée et je me demande même à quel point il n'a pas participé activement à cette potacherie. Je suis écrivain et j'écris en ce moment un récit autour de mon père, ouvrier de la région parisienne qui a été Bleausard puis alpiniste, en passant par le Saussois. Je cherche des traces de mon père à cette époque (j'ai qq articles de journaux, il a fait par ex, la 1ère sans bivouac de la face w des drus, ouvert des voies au Hoggar...) mais je trouve peu de chose sur le net. Il était de la bande Berardini, Mazaud, Rebuffat..mais il était avant tout ouvrier et a du arrêter la grimpe vers la 30taine. Vous avez l'air de bien connaitre le Saussois, auriez vous entenu parler de mon père ou de voies ouvertes par lui (jai un souvenir d'enfance dont je ne suis pas certaine:aurait il pu ouvrir ou bien équiper une voie dite du renard ?
    Merci de votre aide. Vous pouvez me joindre a juliabillet1@yahoo.fr. Ce serait vraiment gentil. J'ai en tt cas eu plaisir à vous lire. Bien amicale Julia Billet

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  2. Bonjour,

    Merci pour cet article agréable à lire.

    Vous parlez d'une nouvelle édition du topo qui aurait dû venir en 2013 (date de parution de l'article en 2012) et d'une vieille qui a 10 ans.
    Pour ma part, je possède une vieille édition qui a 20 ans aujourd'hui (1994). Et la seule presque récente que je parviens à trouver date de 2009/2010 si j'en crois ce que je lis sur internet : http://www.ffme.fr/boutique/ficheProduit/193.html. Est-ce correcte?

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  3. Bien que publié sur ce blog en 2012 (et très légèrement retouché), cet article date de nombreuses années auparavant lorsqu'il fut publié dans un magazine d'escalade. De fait, le lien que vous mentionnez pointe bien sur la version la plus récente du topo...

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  4. J'y suis retourné au début du siècle et me souviens avoir été ému de l'abandon du lieu.
    Coïncidence, la fréquentation a baissé lorsque Gerald & Hélène Moreau, emblématiques aubergistes des Roches, ont pris congé de leur affaire au mitan des 90's...
    Merci pour ces souvenirs partagés.
    Eric

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  5. Un bon coup de nostalgie en lisant cet article moi qui ait usé mes fonds de culotte au Saussois lors de mon adolescence dans les 70's...mes parents et oncle faisait partie de la bande des anciens...gros deconneurs avec qui j'ai du prendre mes premieres cuites et prendre exemple sur leurs coups pendables devant lesquels j'etais en admiration permanente......Roland Luksenberg

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  6. Ancien grimpeur au Saussois dans les années 70, je recherche une description d'un pilier assidu du Saussois et son restaurant des roches, qu'on surnommait "Le Baron"
    Merci

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  7. Bonjour. je connaissais "le Baron" c'était un copain de Michel Pigneur dit "le Pompier"Il avait bâti avec le "Pompier," le "Suisse" et un 4 ème larron une petite cabane sur la route des Roches cabane appelée la " cabane du Pompier" Cette cabane était fréquentée par d'autres grimpeurs , j'y ai rencontré Lionel Terray. Le " Baron" ne grimpait pas, du moins quand je l'ai connu. Quand la cabane fut détruite le "Baron" alla habiter une autre cabane avec son frère et sa belle soeur puis nous l'avons perdu de vue.
    Françoise Pigneur épouse du Pompier et habitante toujours d'une "cabane" ...améliorée, au Saussois

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