jeudi 17 août 2023

Un paquebot dans la montagne

 Si certains ont vu le film "Fitzcarraldo", ils comprendront la référence du titre de ce blog ! Amener une BMW R 18 Bagger dans les virolos de montagne peut présenter la même incongruité que faire traverser l'Amazonie à un bateau de croisière... et pourtant, rien n'empêche de le faire. Dont acte.

Ce n'est forcément pas sans un minimum d'expérience motocycliste et sans une certaine appréhension que l'on se lance à emmener une telle moto dans les cols alpins. 400 kg sur la balance, empattement géant et garde au sol réduite, autant dire que le R 18 Bagger n'a rien d'une ballerine que l'on jette dans les épingles comme une vulgaire GS ! Au moindre faux pas de pilotage, il y a de sérieuses chances que ça se termine avec un des deux énormes cylindres du Big Boxer posé sur le bitume... Mais à, coeur vaillant, rien d'impossible, et j'ai une assez bonne connaissance des motos de ce gabarit sur ce type de terrain, alors feu flamme. 

 

Le matin de bonne heure (et de bonne humeur), je récupère donc ma moto de location chez BMW Moto Speeder 38, direction le Galibier. La route qui monte au Lautaret depuis Grenoble est une bonne façon de prendre en main une telle machine, pour en comprendre le fonctionnement, l'équilibre, les limites et points de vigilance. C'est donc avec grand plaisir que j'engage cette balade et les premières bonnes sensations au guidon sont au rendez-vous. Curieusement, et contrairement à l'immense majorité des motos, cette 18 B s'emmène facilement à allure légale, sans frustration aucune. Elle donne même presque l'impression d'aller plus vite que ce que le compteur indique ! La position de conduite n'est pas radicalement custom (feet first), les deux monstrueuses gamelles du flat twin ne permettant pas d'allonger les jambes. On est donc assis sur une grosse selle très confortable, avec les jambes pliées à 90°, comme assis sur une chaise (mais en mieux !). Bref, on est en place en mode cruising, et ça se passe bien.


 

Comme les panneaux d'information routiers indique une fermeture du Col du Galibier jusqu'à midi pour cause de réservation d'usage aux cyclistes, je prends encore plus mon temps. Ce gros moteur de 1802 cc, peu puissant (91 chevaux) mais ultra-coupleux (16 m.kg) permet d'enrouler en toute tranquillité, sans avoir recours trop souvent à la boîte de vitesses qui, soit dit en passant, est étonnamment fluide et peu klonky, rien à voir avec certaines boîtes Harley ou du monde custom en général. Même en roulant tranquillou, je me retrouve à peine après 11 heures au Lautaret, avec donc une heure à patienter avent de pouvoir attaquer le Galibier. Pause en terrasse de troquet obligatoire, mais au moins je suis ici plus au frais que dans la fournaise de la cuvette grenobloise ! Ça me laisse aussi le temps de jeter un oeil aux paysages toujours aussi fabuleux de cette région, en particulier vers les Cerces. Et pendant ce temps, un embouteillage commence à se former au départ de la route montant au Galibier... on se croirait sur le périph' à Paname !




Midi pile, ouverture des vannes. Vu la foule qui se presse au portillon, je préfère patienter 15 minutes de plus avant de me lancer dans l'ascension. Mais même comme ça, la montée au Galibier sera cauchemardesque. Des centaines de cyclistes dans tous les sens, des camping cars, des touristes qui ne savent pas rouler en montagne... l'enfer ! Impossible même de stationner au col pour une pause photo, tant la foule s'y presse. Je m'enfuis au plus vite en engageant la descente vers Valloire et me gare donc quelques lacets plus bas, bien plus au calme. Ce sera l'occasion d'échanger avec un cycliste, possesseur par ailleurs d'une R18 ! Après des décennies de Harley Davidson diverses, il a fait le mouvement vers la nouveauté bavaroise, sans aucun regret selon ses dires. Une chose est sûre, à chacun de mes arrêts, j'ai été abordé par des gens impressionnés et admiratifs de cette R 18 Bagger ! En tous cas, si jusqu'à présent j'avais réussi à préserver les repose-pieds de la moto, la descente du Galiber vers la vallée de la Maurienne, malgré ma grande attention, va tirer quelques étincelles dans certains virages plus serrés. La garde au sol réduite est véritablement la plus grosse limite au maintien d'un rythme élevé avec cette moto. parce que la partie-cycle pourrait encaisser bien plus que ce que l'on doit se contenter de faire...



Parvenu dans la vallée de la Maurienne, la chaleur se fait de nouveau étouffante. Prochain objectif, rallier le col du Glandon, l'un de mes préférés de la région, la montée côté savoyard étant vraiment magnifique. Ce sera là encore un bon test de maniabilité pour ce Bagger à l'encombrement impressionnant. Un bon test aussi pour le confort de suspension, car le bitume est ici moins bon et la route peut avoir tendance à vous secouer comme un prunier si votre monture ne fait pas un bon job. Bonne surprise encore une fois. Même si l'amortisseur arrière est, je pense, un peu ferme, et que l'on est pas au niveau d'absorption des chocs que GS ou une RT (il n'y a évidemment pas le même débattement non plus !), c'est tout à fait acceptable pour un gros custom. On ne se fait pas tasser le dos ni tanner le cul. Je me régale de cette montée, toujours aussi somptueuse et dégageant un sentiment de calme et de sérénité comme seuls certains recoins alpestres l'offrent. Une merveille qu'il faut découvrir par vous-mêmes si ce n'est pas déjà fait.




Cette balade tend déjà vers sa fin. Il me reste quand même un fort joli bout de route vers le lac et le barrage de Grand Maison, puis Allemont avant de rejoindre la vallée de la Romanche. Là encore, le paysage est juste à couper le souffle. Le lac semble toujours différent, d'une fois à l'autre où vous le voyez. Tout dépend vraiment de la luminosité et des couleurs environnantes. Y venir une belle journée ensoleillée à l'automne, juste avant la fermeture de la route, est selon moi la meilleure option pour en prendre plein les mirettes.



Et voilà, après 260 km, je suis de retour au point de départ, avec 37° et la sensation d'être une merguez que le soleil voudrait griller. Ce fut une belle journée de roulage et une expérience enrichissante sur les capacités et limites de cette R 18 Bagger. On ne va pas se mentir, elle n'est pas dans son élément sur ces routes de montagne aux virages serrés. Il lui faut plus d'espace pour bien s'exprimer et délivrer ses meilleurs atouts. Mais elle n'a pas démérité et m'a même surpris par sa facilité dès qu'elle roule. En tous cas, elle bénéficie d'un fort capital sympathie auprès des badauds !

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