DE LA DÉMOCRATIE EN
MONTAGNISME
Durant
les dernières semaines, j’ai tenté
d’amener un éclairage sur les enjeux de la prochaine élection FFME. Grâce à
des entrevues ciblées, il était possible d’amener les partis en présence à
étoffer leurs positions et à exposer les enjeux. Je crois que c’est la première
fois qu’un tel éclairage est porté sur la Fédération et son avenir. Je suis
content : chaque camp a joué le jeu en répondant aux questions qui, je
l’avoue, comportaient quelques pièges dont mes professeurs de philosophie auraient
été fiers. Seul le président de la FFCAM ne m’a jamais répondu, sans doute
parce qu’il ne voulait pas s’immiscer dans l’élection FFME. Mes
lecteurs savent que je ne peux voter et que, localisation oblige, je ne suis partie prenante d’aucun
courant sinon celui du bon sens. Il me faut donc remercier tous ceux qui ont
joué le jeu. Naturellement j’ai des opinions et des espoirs! Je suis
francophile et je m’assume… je suis un grimpeur d’abord et avant tout et un
analyste pour le reste.
Je crois
que nous sommes à un tournant, à un point de non-retour. L’orientation de
l’exécutif élu décidera du sort de notre pratique pour des décennies à venir. Et
il ne faut pas oublier les autres activités contrôlées par la FFME… le canyon,
la raquette, le ski alpinisme, la montagne sont restés dans l’ombre, des
laissés pour compte dans la course olympique. Je me sens un peu mal pour les
adeptes qui se demandent sans doute ce qu’ils viennent faire dans cette galère
– comme le disait si bien Molière.
Et puis
il y a le mode de scrutin… avec un si petit nombre de licenciés, je ne
comprends pas pourquoi la démocratie directe n’est pas possible alors qu’elle
l’est ici pour des coopératives qui regroupent des millions de membres. Soyons
francs : on ne peut espérer un intérêt et une implication des membres
lambda si on ne leur donne pas une voix au chapitre lors des élections
générales. C’est un tantinet médiéval, une élection où seuls les clubs
possèdent un délégué votant…
Mais qui
suis-je pour critiquer ? Il n’y a
pas mort d’hommes et tout le monde va continuer à grimper le premier avril. Mais
grimper où et comment ? A quelles conditions ? A quel prix ? Aujourd’hui
les dés sont jetés : il faudra vivre avec les conséquences. Je déteste
voir ma passion se muer en objet de politique. Sans doute parce que je suis
apolitique. Il faut vivre avec son temps : nous ne sommes plus aux
premières ascensions du Mont Blanc !
Ce qu’il
faut souhaiter, c’est une équipe qui saura garder l’escalade à son niveau
actuel. Ce qu’il faudrait imaginer, c’est une équipe qui aurait la vision et
l’énergie pour amener l’escalade et la montagne à un niveau digne d’une
activité qui sublime notre
humanité. Car les
activités de montagne ont plus d’ancienneté que la plupart des sports de masse.
La première ascension du Mont Blanc pré date le baseball, le football, le
soccer, le basketball et une multitude de sports olympiques. Notre littérature
alpine était célèbre quand Coubertin voyait le jour. La montagne, comme la mer,
a fait rêver une multitude bien avant les délires des stades de soccer.
Et
maintenant, où en sommes-nous ? Impossible
d’obtenir un cinq minutes durant le bulletin de nouvelles à moins qu’il n’y ait
eu mort d’hommes. Impossible de publier un livre de montagne qui sortira hors
de notre milieu pour le moins hermétique. Impossible de voir un héros populaire
qui soit un grimpeur : le dernier, Edlinger, nous a quitté récemment et
jamais personne n’a réussi à avoir le charisme nécessaire pour le remplacer. L’Olympisme
est la solution à tous les maux? Je ne saurais le dire. Je sais par contre que
l’Olympisme, c’est un business inique et que tout y est faux. On ne devient pas
plus populaire en étant olympique… regardez tous ces sports – des sports ? … des
passions ? – dont on ne parle que durant deux semaines à chaque quatre an.
Est-ce que c’est ce que l’on veut ? Est-ce
que nous voulons voir nos terrains de jeu se réduire comme des peaux de chagrin
jusqu’à devenir anecdotique sinon hermétique ? Oui, je vais continuer à grimper
et vous aussi mais qu’en est-il de vos enfants et petits-enfants ? Qui va se
tenir debout face aux lobbys puissants qui menacent nos falaises ? Impossible
à dire et je n’ai pas de boule de cristal.
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