mardi 26 mars 2013

Les chroniques de l'ami québécois


DE LA DÉMOCRATIE EN MONTAGNISME
Durant les dernières semaines,  j’ai tenté d’amener un éclairage sur les enjeux de la prochaine élection FFME. Grâce à des entrevues ciblées, il était possible d’amener les partis en présence à étoffer leurs positions et à exposer les enjeux. Je crois que c’est la première fois qu’un tel éclairage est porté sur la Fédération et son avenir. Je suis content : chaque camp a joué le jeu en répondant aux questions qui, je l’avoue, comportaient quelques pièges dont mes professeurs de philosophie auraient été fiers. Seul le président de la FFCAM ne m’a jamais répondu, sans doute parce qu’il ne voulait pas s’immiscer dans l’élection FFME. Mes lecteurs savent que je ne peux voter et que, localisation oblige,  je ne suis partie prenante d’aucun courant sinon celui du bon sens. Il me faut donc remercier tous ceux qui ont joué le jeu. Naturellement j’ai des opinions et des espoirs! Je suis francophile et je m’assume… je suis un grimpeur d’abord et avant tout et un analyste pour le reste.
Je crois que nous sommes à un tournant, à un point de non-retour. L’orientation de l’exécutif élu décidera du sort de notre pratique pour des décennies à venir. Et il ne faut pas oublier les autres activités contrôlées par la FFME… le canyon, la raquette, le ski alpinisme, la montagne sont restés dans l’ombre, des laissés pour compte dans la course olympique. Je me sens un peu mal pour les adeptes qui se demandent sans doute ce qu’ils viennent faire dans cette galère – comme le disait si bien Molière.
Et puis il y a le mode de scrutin… avec un si petit nombre de licenciés, je ne comprends pas pourquoi la démocratie directe n’est pas possible alors qu’elle l’est ici pour des coopératives qui regroupent des millions de membres. Soyons francs : on ne peut espérer un intérêt et une implication des membres lambda si on ne leur donne pas une voix au chapitre lors des élections générales. C’est un tantinet médiéval, une élection où seuls les clubs possèdent un délégué votant…
Mais qui suis-je pour critiquer ? Il n’y a pas mort d’hommes et tout le monde va continuer à grimper le premier avril. Mais grimper où et comment ? A quelles conditions ? A quel prix ? Aujourd’hui les dés sont jetés : il faudra vivre avec les conséquences. Je déteste voir ma passion se muer en objet de politique. Sans doute parce que je suis apolitique. Il faut vivre avec son temps : nous ne sommes plus aux premières ascensions du Mont Blanc !
Ce qu’il faut souhaiter, c’est une équipe qui saura garder l’escalade à son niveau actuel. Ce qu’il faudrait imaginer, c’est une équipe qui aurait la vision et l’énergie pour amener l’escalade et la montagne à un niveau digne d’une activité  qui sublime notre humanité. Car les activités de montagne ont plus d’ancienneté que la plupart des sports de masse. La première ascension du Mont Blanc pré date le baseball, le football, le soccer, le basketball et une multitude de sports olympiques. Notre littérature alpine était célèbre quand Coubertin voyait le jour. La montagne, comme la mer, a fait rêver une multitude bien avant les délires des stades de soccer.
Et maintenant, où en sommes-nous ? Impossible d’obtenir un cinq minutes durant le bulletin de nouvelles à moins qu’il n’y ait eu mort d’hommes. Impossible de publier un livre de montagne qui sortira hors de notre milieu pour le moins hermétique. Impossible de voir un héros populaire qui soit un grimpeur : le dernier, Edlinger, nous a quitté récemment et jamais personne n’a réussi à avoir le charisme nécessaire pour le remplacer. L’Olympisme est la solution à tous les maux? Je ne saurais le dire. Je sais par contre que l’Olympisme, c’est un business inique et que tout y est faux. On ne devient pas plus populaire en étant olympique… regardez tous ces sports – des sports ? … des passions ? – dont on ne parle que durant deux semaines à chaque quatre an. Est-ce que c’est ce que l’on veut ? Est-ce que nous voulons voir nos terrains de jeu se réduire comme des peaux de chagrin jusqu’à devenir anecdotique sinon hermétique ? Oui, je vais continuer à grimper et vous aussi mais qu’en est-il de vos enfants et petits-enfants ? Qui va se tenir debout face aux lobbys puissants qui menacent nos falaises ? Impossible à dire et je n’ai pas de boule de cristal.
Dans moins d’une semaine… Je vais m’ouvrir une bouteille de vin en attendant le résultat du scrutin. Mais, selon moi, nous valons beaucoup plus que ce que nous sommes, collectivement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire