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| Delphine dans le crux sur monodoigt de Ultime Errr'ANX, 8c, Crossey © Jocelyn Chavy |
Les représentations, et le capital symbolique (cf Pierre Bourdieu) qui en découlent, sont partie intégrante de l'escalade. Dans les années 80 par exemple, les cheveux longs et le bandeau, tels que portés par une icône comme Patrick Edlinger entre autres, était une représentation forte du milieu de l'escalade libre prenant son essor. On pourrait en citer plein d'autres qui, au fil du temps, ont été des marqueurs forts : toujours dans les 80s, le collant en Lycra aux couleurs bariolées ; les vêtements Prana ou Verve dans les années 2000 ; le fourgon aménagé (plus ou moins) rustiquement ; plus récemment, le t-shirt jaune Patagonia... Mais au delà des biens matériels, il y a aussi les attitudes, les mots, les gestes techniques. Rappelez-vous du Yaniro, popularisé par le grimpeur éponyme (puis par Lynn Hill) dans Choucas, 8a+ à Buoux. Songez donc à la lolotte, sans laquelle on serait peut-être encore tous à essayer de poser des grenouilles de face en plein dévers.
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| Hugo Parmentier dans La chiquette du Graal, 8b+, Buoux © Arthur Delicque |
Vous allez me demander où je veux en venir avec tout ce laïus. Juste à un point anecdotique, certes, mais qui me trotte dans la tête depuis un moment... alors j'ai choisi de le partager ! Un invariant m'apparaît dans le capital symbolique de l'escalade libre moderne : le monodoigt. Cette préhension a toujours été, selon moi, un marqueur très fort. Patrick Edlinger (encore lui) qui s'entraîne à tracter sur un mono-auriculaire dans le film La vie au bout des doigts, ça vous parle ? Ou Alain Robert pendu bras carré sur un mono au pied de Cornas. Et Ben Moon dans les mouvements sordides d'Azincourt, 8c. Plus récemment, il suffit de parcourir Instagram pour y découvrir moult photos et vidéos de grimpeurs en démonstration sur une poutre sur monodoigts. Un seul doigt, c'est le strict minimum pour pouvoir continuer d'avancer, c'est sans aucun doute pour cela que c'est la plus grande démonstration de force... et donc le plus fort capital symbolique de l'escalade. Même à courte distance et pour un oeil averti, il est difficile d'évaluer la taille des prises, donc la difficulté d'un passage. Alors qu'un monodoigt, ce se voit vraiment bien. La symbolique, ça ne tient pas à grand chose, parfois... mais c'est si puissant ! Je suis curieux de lire les commentaires qui viendront (ou pas).


Je crois lire un texte d'un ancien ami alsacien : représentation et capital symbolique ! Ces concepts sont impermanents , fuyants : ils ne durent que le temps d'une rose. Le monodoigt comme représentation de la force supreme : qu'en dirait Buddha ? Que c'est ''pour la galerie '' !!! Car le plus fort grimpeur c'est celui qui , des années après son passage sur une falaise , est encore capable de vivre par la pensée chaque prise et chaque mouvement de chaque voie qu'il a grimpé ...
RépondreSupprimerBon , je traverse la rue et je vais m'acheter une bouteille de vin pour oublier !
Le nec plus ultra du Mono, ne serait-ce pas le mouv de départ du Bombé Bleu? Pas donné à tout le monde de posséder un tel "capital" physique.
RépondreSupprimerLe mono c'est clairement la prise ultime. J'ai enchainé une voie avec un mono d'auriculaire et cela reste pour moi un grand souvenir. Pourtant, Dieu (de le roche) sait que j'aime les arquées!
RépondreSupprimerPassionnante analyse : on oublie souvent à quel point l’escalade s’est construite sur des symboles, depuis l’esthétique Edlinger des 80s jusqu’aux codes plus récents des grimpeurs “vanlife”. Le monodoigt, c’est vrai, traverse toutes les époques : des tractions d’Edlinger à Cornas jusqu’aux séquences d’Azincourt de Ben Moon, il reste la démonstration ultime de force. On pourrait presque dire que c’est l’héritier des anciens exploits des Dolomites ou de Buoux, mais condensé en un seul geste. Ce billet rappelle bien que l’imaginaire du grimpeur est aussi important que la difficulté elle-même. Hâte de lire la suite des réflexions !
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