S'il y a bien un style de grimpe assez peu commun dans notre région, c'est la fissure. Il faut dire que le calcaire n'est pas, à proprement parler, le rocher de prédilection de l'escalade en fissure, le granite ou le grès s'y prêtant beaucoup mieux. Et pourtant, nous possédons ici quelques spécimens particulièrement recommandables de fissures, que je ne saurais que trop conseiller aux grimpeurs qui :
- aiment les lignes d'ascension individualisées, esthétiques, singulières,
- ne craignent pas de sortir des sentiers battus et rebattus,
- sont prêts à acquérir de nouvelles compétences qui pourront leur être utiles pour devenir de meilleurs grimpeurs,
- souhaitent apprendre à poser des coinceurs.
Je vous invite à un petit tour d'horizon varié dans les styles et les niveaux, pour que chacun puisse y trouver son bonheur. En avant pour l'inspiration et l'aventure, parce que c'est aussi un peu de ça qu'il s'agit...
Mise au poing, 6b+, Les Lames : Les Lames sont surtout réputées pour les voies dures en dalle, des références dans leur genre. Mais dans des cotations bien plus humaines, cette falaise révèle également d'exceptionnelles lignes de fissure, souvent longues et déversantes, dont la plus belle est incontestablement Mise au poing. Près de 35 mètres d'escalade, avec une fissure continue passant par différentes largeurs : plutôt fine sur l'ensemble, le dernier tiers s'élargit nettement. Comme souvent en calcaire, il y a au moins autant de prises à aller chercher en dehors de la fissure que dedans... Bien que désormais intégralement équipée (ce qui n'était pas le cas dans les années 80), cette ligne peut être parcourue intégralement sur coinceurs, ce qui en pimente le challenge !
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| Clément Bellin dans Mise au poing © Christophe Bellin |
L'envers du décor, 7c, Saint Égrève : loin des foules qui envahissent souvent les falaises de Saint Égrève, le secteur des Hauts Lieux recèle quelques pépites, dont cette ligne plus mythique que réellement fréquentée ! Et pourtant, elle vaut le détour. Le dévers y est plus fort qu'il ne semble du bas, vous le ressentirez bien lorsque vous serez pendus sur des verrous de doigts et de mains qui nécessiteront un petit apprentissage pour bien les "sentir" ! Ce n'est pas très long, mais je vous assure que vous ne demanderez pas votre reste une fois arrivé au relais. La version originale en 7c (solide !) sort par la droite, mais Stéphane Fressoz avait ajouté un point dans l'axe pour en offrir une sorte directe qui fait monter la température à 8a, à faire absolument si vous avez le niveau... et le moral (ça engage un peu).
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| Nathan Delacour dans Envers du décor © Sacha M. |
On or in, 6a+, Saint Pancrasse : il fut une époque héroïque, dans les années 80, où cette voie était cotée V+... Certes, la patine y était bien moindre qu'aujourd'hui, mais l'équipement y était aussi moins "complaisant". Quoi qu'il en soit, cette fissure raye le beau bastion gris compact de La Muraille de Saint Pancrasse et en constitue la ligne de faiblesse. La voie est totalement équipée, mais elle peut se parcourir aisément sur coinceurs aux placements pas trop complexes et plutôt sûrs. Pas vraiment des verrous à chercher dans la fissure elle-même, juste penser à regarder ce qui se passe autour pour éviter les impasses. À noter qu'il est possible de passer à pied par le sommet de la falaise et descendre en rappel sur un arbre pour accéder à la ligne, voire l'inspecter...
Crack to sleep, 7a+, Satan : Satan, ce n'est pas particulièrement un spot auquel on songe quand on recherche des fissures. Ici, c'est plutôt murs compacts et petites prises. Mais en fait, il faut savoir regarder au delà des apparences et il y a bien quelques lignes de fissures à parcourir. Dans les secteurs du haut, il y a même des voies à faire en trad ! Mais la ligne qui nous intéresse est elle située dans le secteur principal, le plus haut aussi. C'est une belle voie qui part légèrement en ascendance à gauche et propose une évolution basée sur des coincements allant des poings aux genoux, en passant par presque le corps entier. Il y a peu de prises à chercher en dehors de la fissure, ne perdez pas votre temps ni votre énergie...
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| © Vercorde |
Fesse Plouc, 7c, Engins : l'accès est complexe et un peu merdique, pour ne pas dire engagé, il y a très peu de voies au secteur Formateur formaté... mais le déplacement vaut la peine pour cette grande ligne (et sa variante de sortie à droite en 8a dans des belles strates grises, mais là on sort de la thématique du sujet !). Une bonne trentaine de mètres, une fissure quasi rectiligne, plutôt faite de rondeurs et petits verrous complexes, résolument celle-là ne se lasse pas dompter facilement, surtout à vue. Et surtout, vous aurez la certitude de ne pas rencontrer âme qui vive, ni moindre patine du rocher, le tout avec vue panoramique sur les gorges d'Engins.
L'échelle, 6b, Lans en Vercors : si la cotation n'est pas très élevée, attention quand même, cette voie pourrait bien vous épuiser du haut de sa vingtaine de mètres. D'abord parce que le profil est bien vertical, ensuite parce que le poids des ans (et des hésitations des précédents grimpeurs !) commence à se faire sentir sur ce calcaire qui se polit vite, et enfin parce que bien caler ses doigts et ses mains dans cette fissure n'est pas si évident vu qu'on n'est pas toujours super bien calé sur les pieds. Bref, c'est du bon 6b à l'ancienne, ça se mérite, mais ça laisse des souvenirs. Attention, pas dit que cette voie se prête bien à la pose des coinceurs...
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| Delphine dans L'échelle © JMC |
Ocean crack, 7b, L'Océan : en voilà une sur laquelle je ne pourrai pas vous dire grand chose... puisque je ne l'ai pas faite ! En revanche, je pense que l'on peut s'en remettre au jugement éclairé de Romain Gendey, grimpeur émérite si l'en est, qui, dans son topo "Escalades libres en Royans, Vercors et alentours", décrit cette voie comme étant LA fissure du Vercors. Rien de moins ! Eu égard au talent du bonhomme, ) son goût pour les voies de caractère et à la qualité générale des voies de L'Océan, on doit pouvoir s'y lancer les yeux fermés. Enfin, pas trop fermés quand même, parce que le 7b annoncé ne doit pas être volé et que, même si la voie est équipée, il est recommandé de partir avec quelques coinceurs au cul pour ne pas se mettre terreur ! À vous de jouer...
Crackomania (L1+L2), 6b, Gorges de Crossey : dans l'imaginaire collectif de la faune grimpante cuvettarde, Crossey ne semble plus avoir la cote. Et pourtant, quelle erreur ! Car oui, il n'y a pas que des bouses de 10 mètres surpatinées ici. Parmi la foultitude de secteurs plus récemment équipés, celui de Crackomania présente de jolies voies, sur un rocher bien sculpté... et tout neuf. La voie qui a donné son nom au secteur est un bon exemple de belle escalade : une fissure franche au fond d'un dièdre à peine marqué, un peu de dévers, voilà un combo parfait pour un 6b finalement assez physique, mais déroulant. Pas sûr que ça puisse passer intégralement sur coinceurs en restant safe, mais ça peut mériter de s'intéresser à la question. Et en tous cas, ça vous fera un prétexte à venir découvrir tout le reste du secteur et Crossey de manière générale.
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| Delphine dans Crackomania © JMC |
Confessions, 7b, Voreppe : Voreppe est mondialement connue pour une fissure : L'ampoule du jardinier (7c). Et pourtant, ce n'est pas de celle-ci, ni de son rocher poussiéreux, ni de ses toiles d'araignée dont nous allons causer. Non, nous allons nous intéresser à un autre secteur : Équinoxe. Un peu éloigné du secteur historique et principal, on trouve là une série de voies équipées par l'inévitable Ludo Pin. Pour ceux qui l'ont parcourue, Confessions serait rien de moins que l'une des plus belles fissures de la cuvette, si ce n'est la plus belle. Je ne le démentirai pas. Il va falloir jouer du verrou de doigts, de main, de poing pour se sortir de cette affaire. Si vous voulez jouer, ça doit bien se prêter à la pose des protections... et, en bonus, il y a d'autres lignes de fissure juste à côté.
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| Nathan Delacour dans Confessions © Adrien |
L'araignée au plafond, 7b+, Comboire II : les mythes se méritent. Pour aller découvrir cette voie, il vous faudra retrouver un vieux topo de Grenoble dans lequel le secteur de Comboire II était encore mentionné, ou alors aller demander à l'une des mémoires vivantes comment y aller. Ensuite, même avec ces indications, il faudra sans doute bartasser un peu pour atteindre la voie (maintenant depuis le parking au col de Comboire), pas sûr que le chemin soit encore tracé... Enfin, il faudra grimper dans cette voie bien déversante, une fissure plutôt large et d'aspect inquiétant, avec une ambiance "perchée" qui ne manquera pas de vous émouvoir ! Difficile de décrire l'expérience dans cette voie, ça doit s'essayer et se vivre. Si vous sentez l'âme d'un pionnier, n'hésitez pas, c'est unique en son genre. Et en plus cela a été rééquipé récemment.







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