Suis-je abasourdi par le manque total d’intérêt suscité par ma dernière chronique ? Être surpris, même un peu, prouverait ma méconnaissance du monde de l’escalade ! Le milieu – le milieu et non pas les individus – est moins dynamique que les zombies qu’on nous présente sur le grand écran. Les zombies du spécial Halloween des Têtes à Claques se démenaient avec plus de presse que la majorité des structures paragouvernementales de la grimpe en France.
Élire les zombies des Têtes à Claques dans les institutions départementales ? Réellement ??
Au comité directeur ??? Vous n’êtes pas sérieux !
De toute façon, ce n’est pas leur mandat, la valorisation de l’histoire de l’escalade et la reconnaissance des personnes qui nous ont fait rêver et qui ont transformé l’activité.
Certaines méchantes langues vont affirmer que si ce qu’on voit présentement au pied des voies, dans les salles et en compétition, c’est une évolution positive… aussi bien laisser le tout entre les mains des zombies !
Non, non… l’escalade évolue avec son temps : on valorise la performance, on mesure le temps, on grappille des + ou des – sur des voies approchant le degré zéro de l’élégance. On s’énerve sur des murs de copeaux de bois à suivre des lignes de plastique coloré. Le mythe de la liberté par le Vertical s’est écrasé, laissant la place au quotidien de faux-bourdons en mal de fécondation.
Je vous l’annonce : le mythe du SOUL CLIMBER a vécu…
Plus jamais on ne verra ses pantalons de coton blanc ou ses rutilants collants fluo. La modernité a tué l’impossible et par le fait même, le rêve. On ne grimpe plus pour le dépassement personnel, on grimpe pour la performance. Le plaisir a été évacué, la découverte balayée : il ne reste que le geste. La grimpe est passée d’une activité de découverte et de dépassement à un sport en bonne et due forme.
Alors pourquoi célébrer les précurseurs ? Les associations sont là pour assurer l’avenir !
On peut par contre se poser la question : qu’en est-il des entreprises qui ont aidé au développement, qui se sont répandues dans les magazines, qui ont publicisé une voie, un secteur, une falaise, une région ? Ces entreprises qui ne seraient rien si ce n’avait été de la visibilité que leur a amenée Edlinger, Berhault , Droyer, Tribout et tous les autres.
Tous ceux qui nous ont fait rêver tout en transformant notre activité nous amenaient à consommer de nouveaux produits plus adaptés. J’ai possédé des collants fluo, c’est pas peu dire ! Et des cordes de 10.5 puis des cordes de 10.2 et des chaussons noirs et des chaussons jaunes et des baudriers… les baudriers … pourquoi si petits ? Les sacs à dos : j’en ai une tonne en bas et tous les modèles sont des modèles vus au dos de mes héros.
Quand on y pense, les grands oubliés dans tout ça, ce sont les manufacturiers !
La Grimpe s’est construite et ces manufacturiers ont fait un profit raisonnable en utilisant les grimpeurs de pointe comme phares d’Alexandrie.
On va me dire que les temps ont changé et que les profits s’amenuisent et que la crise économique, et que le coût du transport, et que la distribution, et que la délocalisation… ah oui, c’est vrai… qui a ouvert les nouveaux marchés, ceux de milliards d’individus?
Si j’étais un manufacturier d’équipement ou de vêtements de grimpe, je me précipiterais dans la porte que je viens d’ouvrir pour monter un Temple de la Renommée. Pour ensuite le présenter comme objet de mémoire à mes nouveaux clients… ceux qui ont cinq mille ans d’histoire… en leur faisant miroiter le fait que, bientôt, il y aura, dans ce Temple, des Chinois, des Indiens, des Vietnamiens , des Japonais (en fait il devrait y en avoir déjà deux), des Russes (déjà un ou deux, non ?), des Kazakhs, des… enfin vous voyez ce que je veux dire.
Je ne peux croire que pas un de leurs commerciaux n’y a pensé !
C’est dans la nature de ces anciennes cultures que de vénérer les précurseurs. Il y a un facteur d’imitation évident dans cette approche. Et en prime, vous récompensez du bout des lèvres ceux qui vous ont aidé avant que vous ne soyez des multinationales…
Personne n’y a pensé ! Pas un seul commercial ou wonderboy du marketing ! Voyons…
Amenez les Zombies !!!
Allez, dites-moi que vous ferez un Temple de la Renommée.