Mes Best of

Les premiers furent publiés dans le mondialement réputé journal semestriel Roc Infos, l'organe de l'ECI (Excalade Club de l'Isère) ! Il en viendra d'autres, au fur et à mesure de mes inspirations et envies...

Le Best of des Lames : Putain, 20 ans !

20 ans ! La vache, c’était il y a déjà 20 ans... Ces falaises des Lames, ça fait des années que je les reluque depuis mon jardin, quelques centaines de mètres en contrebas. Des années à se demander si ça pouvait se grimper des trucs pareils. Et puis, par le bouche-à-oreille, j’apprends qu’il commence à y avoir des voies là-haut. Il faut que j’aille voir çà, même si ce ne sera sûrement pas pour mon faible niveau.
Cette première montée aux Lames, elle m’en a laissé des souvenirs. Il faut dire qu’en ce temps-là, le sentier était encore bien pire que celui d’aujourd’hui. Tu parles d’un chemin... Une vague trace tirée “dré dans le pentu”, oui... Et au bout d’un petit quart d’heure à s’asphyxier en bourrinant dans ces éboulis et autres rampes de terre glissante, à tracter sur des cordes fixes : le choc. Nom de Dieu, tu sors du chemin et paf, tu te retrouves scotché, le nez contre un immense mur vertical tout blanc et surtout tout lisse. Non mais y sont malades ces types de venir équiper des trucs pareils ! Bon, en fait, il n’y a rien dans ce mur (qui deviendra par la suite “Amour Toujours”, 8b). C’est plus à gauche que ça se passe. Bon, il y a bien quelques points dans la fissure de “Mise au poing”, mais vu le dévers et l’espace entre ces spits, il faut être dingue pour oser y aller. Je tourne le coin de ce qui sera un jour “Carignette” et, là, je découvre ce grand mur central, guère moins raide mais a priori plus prisu que les autres. Il y a là un grimpeur en train de s’escrimer dans la première partie de “Sainte é soph”, alors 6a/b. Il paraît ramer à chercher des prises invisibles, malgré toutes ces alvéoles devant son nez, c’est bizarre. En plus, je l’ai déjà vu ce gars et, d’habitude, il randonne dans ce niveau et même dans plus dur que ça. Là, il doit y avoir un truc... Moi, je n’ai même pas pris le matos. Et je ne le regrette pas tant tout me paraît inabordable. C’est super raide, ça semble engagé, l’ambiance est relativement austère, les arbres tout près du pied de la falaise vous repoussant en plus toujours contre le rocher. L’expression “être au pied du mur” n’a jamais été aussi juste. Je suis impressionné comme jamais. Cette falaise fait peur !

Il me faudra quelques semaines pour m’en remettre et oser enfin remonter aux Lames, avec le matériel cette fois-ci, pour tenter de grimper quelque chose. Ce sera le départ d’une longue histoire entre ce spot et moi car, habitant juste en dessous, je ne pouvais faire autrement que passer mon temps à le regarder ou à y monter. C’est certainement le spot grenoblois où j’ai le plus grimpé, y passant le plus clair de mon temps pendant des années ! J’y ai vu naître bon nombre des voies extrêmes du site sous les coups de tamponnoir (eh oui !) de légendes de la varappe. En parlant des légendes, les Lames étaient un spot à la mode, connu des meilleurs grimpeurs du pays et ils y avaient tous fait un passage. J’en ai vu des stars de la réglette et du gratton se mettre des combats dans les voies de 8 naissantes : Edlinger, Jacob, Le Menestrel, Raboutou, Patissier, Cortijo... Et puis toutes les stars locales, dont certaines allaient prendre plus d’envergure, y allaient aussi faire leurs armes : les Ghesquiers, Albrand, Fressoz, Vidonne, Pécher, Legrand, Gendey et j’en oublie. Pourtant, force est de constater, et c’est encore plus vrai avec du recul aujourd’hui, que cette falaise est une véritable école de l’humilité. Jamais je n’ai vu de telles ramantes dans les voies avant d’arriver à faire une croix !

Ici, rien n’est cadeau : l’escalade est toujours hyper exigeante, en particulier dans les dalles (enfin façon de parler, vu la raideur des murs !). Le à vue est monstrueux tant les prises sont dures à trouver et complexe à travailler. Il faut sacrément savoir poser les pieds pour avoir une chance d’avancer sereinement. Les points sont souvent éloignés, il faut se botter le cul pour passer de l’un à l’autre. La perspective de bons gros râteaux dans un profil vertical n’est pas toujours réjouissante ! Et puis, il faut jouer avec l’adhérence limitée du rocher... C’est aux Lames sans aucun doute que vous apprendrez le sens du mot “collante” et son importance dans la réussite des voies.
"La Poudre", le premier 8a de bien des Grenoblois et voie emblématique des Lames !
Bon, c’est bien gentil tout ça, mais à force de vous raconter ma vie, j’en oublie presque le pourquoi du comment de ce papier : les voies ! Bon allez, tant qu’à faire, je vais continuer dans le purement subjectif et vous livrer MA sélection des meilleures du best of des plus bien qu’il faut faire absolument sans les rater. Pour plus de facilité, on va y aller par niveau. C’est parti...
Grimpeurs de 3 et de 4, vous pouvez rester à la maison ! Dans le 5, c’est pas bien dur de choisir, il n’y en a presque pas ! On se contentera donc de “Mocamba” et de l’incroyable dièdre de “On n’est pas des bêtes”. Notons que pour 5+, il risque d’y avoir de l’échec dans l’air pour les aficionados d’Espace Vertical !
Passons donc directement au 6 et, là, on a déjà plus de choix, dans tous les styles. Impossible de passer à côté de “Alta Rica”, un dièdre en 6a inoubliable. Dans le même genre, en plus dur, “Et voler c’est pas beau”, 6c, en calmera plus d’un. Pour la fissure, il y a de quoi s’occuper avec la plus belle : “Mise au poing”, 6b+. En pilier, “Travailler c’est trop dur”, 6c, et sa sortie complexe et un poil engagée devrait vous marquer, tout comme “Mauvaise médecine”, 6b à l’itinéraire plus tortueux qu’il n’y paraît. En mur, les musts seront “Berhault’s direct”, 6b+ et “Les fleurs du bien”, 6a+. Enfin les amateurs de léger dévers se régaleront dans “Hasard et nécessité”, 6c+.
Pour entrer dans le monde du 7ème degré, difficile de rêver mieux que “Goûtes-y donc”, 7a et sa voisine “Cadavre exquis” en 7a+ avec sa grosse colonne et son bon dévers final. Néanmoins les âmes sensibles seront averties de “l’air” entre les points qu’on y trouve parfois ! Une entrée en matière par “L’échec sans prévision”, 7a pourrait s’avérer utile... Les amoureux de la lecture et des déséquilibres s’en iront visiter le pilier complexe de “Carignette”, 7a+ (en évitant la “mauvaise” sortie directe tracée plus tard...). Et puis on terminera ce petit tour par “L’intruse”, un 7a+ vraiment pas évident, mais varié et majeur (au passage, songez aux premiers répétiteurs auxquels on annonçait alors un 6c+ !).
Mais qui va aux Lames y vient souvent pour ses voies de 8. Et, là, ça rigole encore moins. À l’heure du 8c à vue, sachez qu’aux Lames la meilleure perf’ demeure encore la réussite à vue par Laurent “Raoul” Boudier de “La poudre”, 8a certes, mais sans doute le plus facile du site ! Un décalage qui en dit long sur le niveau d’exigence requis pour faire les voies ici... Dans le 8, pas de sélection, tout est à faire tant les voies, bien que de profils souvent semblables, sont différentes les unes des autres. Dans le même mur par exemple, “La poudre”, est un 8a plutôt continu alors que sa voisine “Le singe nu” est une suite de pas de bloc. Alors des différences, certes, mais une constante : il faut affûter les chaussons car les prises de pieds sont loin d’être des vires et il faut savoir serrer très fort les doigts.
Ah et puis tant pis, va. Je vais quand même donner mes coups de cœur : “Je grimpe donc je suis”, 8a+, parce que c’est la seule qui déverse ; “Bienvenue à bord”, 8a+ pour son caillou criblé de trous ; “La poudre”, 8a, pour la continuité et le jeu avec le dièdre interdit ; “Taillée pour l’aventure”, 8a pour son pas de bloc sordide.

Après avoir passé tant de journées aux Lames, j’ai cessé d’y aller, presque complètement. Les voies qui m’avaient résisté jusque-là ne s’ouvriraient sans doute jamais à moi, alors... Et puis, après avoir goûté aux facilités du dévers, quelle claque de retourner dans ces dalles ! Pourtant, à bien y songer, c’est sûrement ici que je me suis forgé mon escalade actuelle et que j’ai engrangé quelques-uns de mes meilleurs souvenirs. Je ne saurai donc que trop vous conseiller de tenter l’aventure vous aussi. Sans doute qu’en suivant mes bons conseils quant au choix des voies, vous attraperez immédiatement le virus des Lames. Et il vous faudra du temps pour vous en défaire... La preuve ? Tombée dans l’oubli pendant quelques années, la falaise connaît de nouveau une fréquentation assidue par une nouvelle génération de grimpeurs.


Le Best of Le Crossey : Des premiers pas qui durent

Tout début des années 80. Avec mon père, nous découvrons l’escalade sur les quelques sites du bassin grenoblois et alentours. Je dis bien quelques, parce qu’il faut se rappeler (pour les vieux) ou s’imaginer (pour les jeunes) que le potentiel grimpant de l’époque n’était vraiment pas le même. Parmi les sites les plus adaptés aux débutants, les gorges du Crossey tenaient alors une place de choix grâce à quelques caractéristiques particulières. Première de celles-ci, et pas la moindre, la possibilité de faire le tour à pied de presque tous les secteurs et ainsi de pouvoir poser des moulinettes facilement sans “s’engatser” ! Pourtant, les voies d’ici sont plutôt bien équipées (encore un point fort du Crossey) pour qui veut se lancer en tête. Et puis, le Crossey offre une offre très conséquente de voies dans les niveau “faciles” (du 3 au gros 5-petit 6) propre à contenter une bonne brochette de grimpeurs.
Revers de la médaille, déjà à cette époque reculée les voies classiques (c’est-à-dire presque tous ce qui va jusqu’à 6a !) sont très patinées. Certaines prises sont des vrais miroirs et on comprend vite sur place pourquoi il y a tant de gens en moulinette : le zip et le plomb qui en résulte sont à envisager à chaque ascension ! Cercle vicieux s’il en est, la patine incite à la moulinette, mais la moulinette patine...
En ces époques héroïques où, pour le commun des mortels, le 6 était encore une relative performance, l’escalade à Crossey avait des airs de famille avec celle du Saussois : la patine des prises, certes, mais aussi les nombreux trous et enfin cette habitude de finir les voies sur le plateau. Sauf qu’ici, il y a des arbres en plus, ce qui est bien pratique pour installer des relais. Ah, oui, au fait, c’est un détail que j’avais oublié : il faut avoir sont stock de grandes sangles, parce qu’ici, les relais se font bien souvent sur les troncs, mais rien n’est en place !
Lors de la première visite, le Crossey apparaît systématiquement comme une sorte de labyrinthe dans lequel, même avec un topo, il n’est pas aisé de trouver son secteur et, a fortiori, la voie que l’on recherche. Mais avec un peu d’habitude... Pour commencer, le plus simple est donc d’attaquer par les voies du grand mur principal qui, ça tombe plutôt bien, comptent parmi les plus longues mais également les plus intéressantes. Tout n’est certes pas à faire dans ce bastion, mais on trouve là des classiques incontournables, à commencer par “Gris stock”, 4+, “Tarzoon”, 5- et “Pain et chocolat”, 5 qui proposent de beaux enchaînements sur bonnes prises, avec de la longueur, ce qui ne gâche rien. Plus à gauche, on pourra tenter, dans le même niveau, “La Gamma”, 5+ ou “BBX” et “Cristal”, en 5, pas moins classiques et donc pas moins patinées ! Dans les 6, on change de style et on passe généralement des gros trous aux écailles à serrer. À visiter dans cette cotation les deux jolies dalles de “Traction directe”, 6c et “Electrovol”, 6b, mais aussi les plus raide et physique passage de “La chasse d’eau”, 6b+. Vous comprendrez mieux le nom en sachant que la voie est souvent humide, mais surtout que ce passage a une fâcheuse tendance à vous éjecter vers le bas !
En continuant de monter le sentier d’accès, en  contrebas à gauche, on trouve deux petits secteurs sympa de Crossey : le Cirque et le Nose. Ici, des générations de grimpeurs ont dû faire leurs premières gammes. Il faut dire que l’on trouve une belle brochette de voies en 4 et 5, malheureusement toujours autant massacrées par la patine. Poursuivons donc vers le haut. On passe devant le secteur des Surplombs, un ventre d’une quinzaine de mètres qui recèle lui, en revanche, quelques-unes des voies les plus dures du spot. Qu’est-ce j’ai pu, avec différents compagnons de cordée, aligner d’essais dans ces voies au passages bloc et retors, avec des méthodes souvent ardues à déchiffrer. Attention, malgré leur air parfois débonnaire, ces lignes ne se laissent pas faire. Mention spéciale à “Noshua”, 7a+ et “Abracadabra”, 7b+.
Mais qui n’est jamais monté jusque Sous les buis, le secteur le plus en haut, n’a jamais vraiment grimpé au Crossey ! Ce secteur porte bien son nom car il est réellement noyé au cœur des arbres et des buis. Rarement au soleil pour cette raison, il demeure relativement frais, mais sèche donc très lentement. On y trouve un concentré de tous les niveaux en quelques dizaines de mètres de largeur et une vingtaine de hauteur et c’est certainement sur ces quelques mètres carrés que j’ai le plus grimpé à Crossey. Ces lignes furent partie, à coup sûr, de mes premières longueurs en tête grâce au très bon équipement en place et aux énormes bacs biens rassurants dans toutes les voies de la partie droite de la zone. Puis, ce furent les 6a qui méritèrent un petit travail avant de tomber avec, parmi ceux-ci, une attention pour “Aeroslop” et “Un palmier dans la tête”. Grâce à des séries de moulinettes endiablées, les voies plus dures vers la gauche ont, elles aussi, subi ma terrible loi quelques temps plus tard. Il faut dire que se cogner “Rock’s Anne”, 6c, “Rut of love”, 7a, ou “Virgin”, 7b, ce n’est jamais une mince affaire. Même aujourd’hui, y’en a qui doive grincer des dents en essayant avec un peu de marge. Ce secteur m’accompagnera indubitablement au cours de ma progression, me donnant un de mes tout premiers 7b, “Le spot des Marcel”, un surplomb en caillou un peu péteux aujourd’hui déséquipé, mais surtout mon premier 7c, “Local blaireau”, un mur bien vertical sur petites prises. Un 7c maintenant tombé dans l’oubli, mais qui, à l’époque, attisait la convoitise de bien des grimpeurs. Et pourtant, à bien y songer, ce n’est quand même pas loin d’être une vraie bouse ! Profitant de mes visites régulières, j’amenais grimper ici quelques amis débutants, l’endroit s’y prêtant parfaitement bien et c’est à ces occasions que j’ai dû me livrer à mes premiers petits soli (papa, maman, pitié, y’a prescription...), la facilité de la redescente à pied par un sentier en haut aidant.
Les grands murs de Crossey 3 (© LaCuvette)
Ayant peu ou prou tout fait au Crossey, j’en abandonnais la fréquentation pendant un temps, avant de revenir suite à l’ouverture par Jean-Claude Pinna du secteur 2, au fin fond d’un canyon un peu plus loin. De nouveau donc je vins me balader dans ces drôles de gorges. Et avec plaisir tant on trouvait au secteur Pinna de sacrées belles lignes, sur un rocher parfois superbes et, nouveauté pour le Crossey, parfaitement neuf et adhérent ! Résolument plus destinée aux grimpeurs de 6 et 7, cette petite falaise complète bien le Crossey 1 (plutôt dans le 4, le 5 et le petit 6)  et vaut le détour pour des voies comme “La directe de Papi”, 6a, “De gouttes en trous”, 6b+ surmajeur, les deux 7a de “Rape rappeur” et “L’enfer du devoir”, le 7b de “Yacht people’ et le 7c du “20ème stress”. Après avoir fait la croix sur toutes les voies, je pensais bien ne plus revenir, mais c’était sans compter sur l’énergie des Voironnais qui développèrent peu après le secteur du Trou de l’aigle.
Autant le dire tout de suite, je n’ai jamais réussi à réaccrocher avec les gorges, alors que cette falaise du Trou de l’aigle est pourtant l’une des plus intéressantes. Mais, moi, j’avais mon histoire ailleurs qu’ici... Malgré tout, ce secteur vaut le déplacement pour quelques lignes vraiment superbes, à condition de savoir grimper et bien poser les pieds. Technique sans faille et continuité en doigts sont de rigueur pour des morceau de bravoure comme “8ème art” et “Persiste et signe”, deux 7c+, pour l’interminable 8a de “ANX”, mais aussi pour du moins dur comme le superbe 6c+ de “Heureux événement”, le 7b de “Festina lente” ou le 7a de “Viking”. Parallèlement, d’autres secteurs voyaient le jour un peu partout dans les gorges, comme ceux de La Source ou de Scaphoïde. Et si mon histoire avec le Crossey paraît s’être achevée, il semble bien que sa propre histoire soit loin d’être arrivée à son terme. Il reste bien du rocher à prospecter et bien des grimpeurs qui auront les crocs de les découvrir après être venus tâter des choses existantes.
Bref, en un mot (ou presque) : Crossey’s not dead !



Le Best of Lans en Vercors

Prenons une nouvelle fois le large de la stricte cuvette grenobloise et allons tâter du calcaire compact du côté du Vercors.  Comme dit le dicton, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes... Avec la falaise de Lans en Vercors, on ne fait pas mentir cet adage !

Je me rappelle assez bien de ma première visite aux falaises de Lans. Cela remonte à la première moitié des années 80 et on y trouvait déjà pas mal de voies, même si les lignes étaient bien sûr moins nombreuses qu’actuellement. C’est donc avec mon paternel que nous avions débarqué “là haut” (vu de grimpeurs cuvettards !) et nous nous étions limités, pour une première approche, à la face ouest, le premier secteur sur lequel nous avait conduit le bucolique sentier de l’époque (fort différent de celui d’aujourd’hui...). Si mes souvenirs sont exacts, nous avions trouvé les voies particulièrement exigeantes, vraiment pas commodes, complexes à appréhender, mais au moins correctement équipées. Je pense que c’est à la seconde visite au même secteur que nous avions commencé à prendre une fessée dans les voies les plus vicelardes du coin. Il faut dire que notre expérience grimpante était encore limitée...
Je suis revenu de nombreuses fois à Lans qui, il faut le dire, possède quand même quelques zones de caillou exceptionnel et les voies qui vont avec. Si l’on accepte de marcher quelques minutes de plus que pour l’accès aux premières voies, les secteurs du haut recèlent quelques véritables perles à ne pas manquer dans sa carrière de grimpeur local ou de passage.

Episode 1 : la découverte et les secteurs du bas
Commençons par le commencement et donc cette fameuse face ouest qui permet de grimper à la fraîche les matins d’été. C’est ici que vous pourrez prendre la mesure de la dimension parfois bloc de certaines lignes de la falaise. Accrochez vous, c’est parfois complexe pour la cotation, mais c’est souvent pour la bonne cause de voies au final très intéressantes. Que ce soit dans “Macadam” (6a), “Broadway” (6b) ou “Le baquet” (6c+), mieux vaudra avoir les neurones connectés pour s’en sortir sans encombre dans des sections parfois un peu retorses... Se jouant plus dans la continuité, des voies comme “Catbeplus” (en fait 4+), “Les trous” (6a) ou “La niche directe” (5b) sont également à faire, tout comme le très esthétique pilier en 6c+ de “Lans pierre”.
De l’autre côte de ce fameux pilier, on bascule dans une autre ambiance. Les hauts arbres rasent le pied de la falaise, le rocher se fait plus raide voire déversant, la paroi est aussi plus haute. La zone est donc aussi plus difficile et rares ont les voies en dessous du sixième degré. On notera néanmoins la belle classique du “Jardin”, en 5c. En revanche, si l’on maîtrise quelque peu les niveaux supérieurs, alors le secteur réserve quelques bijoux totalement majeurs, et c’est ici que se trouvent quelques incontournables.
Dans le 6, comment ne pas garder d’impérissables souvenirs des passages techniques de “Michel Ange” (6c+), de sa voisine un peu moins dure  “Turlupinette” (6c) ou encore des “Lunules” (6b). Les adeptes du dévers et des voies physiques leur préféreront “L’échelle” (6b), “Bon nénés” (6c) ou “Pipotin” (6b).
Dans le 7 et le 8, pas moins de belles choses à se mettre sous le chausson ! On ne pourra pas faire l’économie de tester la résistance de ses tendons dans le 7b ultra péchon de “Libidinos” et encore moins se faire péter les avant-bars d’acide lactique dans le somptueux 7a+ de “Never mort”. Quant au plus gaillards, ils seront forcément attiré par la version directe de “Fauve à jeun”, un des plus beaux 8a de la région avec son étonnant bombé sommital à trous. Quant aux curieux qui aiment ne pas faire comme tout le monde, je ne saurais que trop leur conseiller de faire un tour dans “Mangeuse d’hommes” (7b) ou “Boule d’horreur” (7b+)...
Les piliers des falaises du haut de Lans en Vercors
Episode 2 : à l’aventure vers les secteurs du haut !
En osant marcher cinq à dix minutes de plus, le grimpeur aventurier se libérera de l’oppression des arbres et découvrira avec joie les secteurs du haut. Ici, le profil redevient globalement moins raide et les piliers gris s’élancent vers le ciel. Toujours aussi techniques, la grimpe fait rarement de cadeaux ! Affûtez les doigts et les bouts de chaussons, il va falloir être précise en diable... Originalité du lieu, vous pourrez retrouver par endroits des zones de caillou truffé de silex, à ne pas être dépaysé des Vouillants !!!
Heureusement, les voies sont malgré tout accessibles à (presque) tous en termes de niveau. Pour évoluer dans le 4 et le 5, on préférera se rendre tout à droite voir “Les pantalons d’Arthur” (4), “Les funérailles de la sardine” (4+) et bien sûr tenter la superbe montée dans “Le pilier gris”, splendide 5c d’ampleur. Les curieux ne manqueront pas non plus une visite aux “Silex” (5b) et “Papoose” (5c) dans le petit canyon coupant la face en deux.
C’est malgré tout dans le 6 et le 7 que l’on trouve les plus inoubliables lignes. Dans un style souvent dalleux (pour ne pas dire... pire !), il faut jouer d’une bonne inspiration et d’une technique sans faille si l’on ne veut pas errer de fausses prises en impasses totales. La première longueur de “Toboggan” (6a+), “Humour noir” (6b+), “Vent du sud” (6c) pourront vous mettre dans le tempo avant de vous attaquer aux gros morceaux que sont “Novice en la matière” (7a+), “L’astragale (6c+), “Durandalle” (7a+), “Gros calins” (7b+) ou encore LA voie de Lans avec “Bachibouzouk” (7b+), un fantastique pilier tout droit échappé du Verdon. Les plus énervés iront dans le très beau 8a de “Biscuit sec” et pesteront sans doute longtemps contre ce furieux pas de bloc final...
Pour fignoler le tableau, je ne peux que vivement vous conseiller de savoir lever le nez vers le haut et d’aller vous délecter de secondes longueurs parfois somptueuses comme celles de “Vire au vol” (6b+), “Fais comme l’oiseau” (6b) ou encore “La tour d’ivoire” (6b+). Vous ne le regretterez sûrement pas !

Episode 3 : renaissance
Un temps moins fréquentée (comme bien des anciens sites classiques) au profit des nouveautés du Vercors plus déversantes et donc à la mode, Lans n’a jamais été abandonnée des purs “vertaco” qui y ont même lancé une nouvelle vague d’équipement (et rééquipement). Grâce à eux, Lans connaît même un second souffle et ceux qui pensaient y avoir tout fait ont de nouveau matière à venir user de la gomme ici. C’est plutôt dans le haut niveau qu’ont eu lieu les naissances les plus marquantes parmi les quelles on notera le bien nommé “Renaissance” (8a). Parallèlement, on a vu la libération progressive (enfin...) de nombreux vieux projets équipés mais rarement tentés auparavant. Nico Glée règle par exemple son compte au Projet HLR qui devient “Une vraie chatte” (8b). “Les câlins d’accord” se voient fréquentés et réalisé en 7c+. Et puis il y en a d’autres encore qui vous restent à découvrir un peu par vous-mêmes... On ne va quand même pas vous livrer tout “clés en main” !

Bref, vous l’aurez compris, la falaise de Lans en Vercors vaut largement le coup qu’on s’y intéresse ou que l’on y revienne. C’est d’autant plus vrai qu’elle est bien plus vite en condition que les spots de Presles (Tina Dalle, Pierrot Beach et consorts) qui résurgent encore longtemps après que Lans soit tout sec !!! Il est même particulièrement étonnat de pouvoir grimper aux secteurs du haut, en T-shirt sous un soleil hivernal avec les pieds dans 50 cm de neige (expérience vécue !). Aaaahhh, ils en ont de la chance nos copains vertaco...


Le Best of St Pancrasse : Dans le Grésivaudan, on est bien contents !

Parmi les sites grenoblois « historiques », St Pancrasse tient une place de choix dans mes souvenirs. C’est que, lors des premières visites, on s’y prenait régulièrement de sacrées fessées. Ceci dit c’était sans doute l’époque qui voulait ça car on se prenait les mêmes fessées dans la plupart des sites grenoblois ! J’ai malgré tout persévéré et ai fréquenté St Pancrasse une énorme quantité de fois par la suite. Il faut dire que l’endroit est plutôt sympathique et bucolique perché sur ce balcon dominant le Grésivaudan. Et puis, au fil des années, le site s’est fortement enrichi de nouvelles voies, de nouveaux secteurs voire même de nouveaux bouts de falaises ! Cela nous donnait donc et donne encore à l’heure actuelle de la matière à grimper lorsque l’on a (souvent à tort) l’impression d’avoir fait le tour de la question.
Autant le dire tout de suite, St Pancrasse, on a beau bien aimer le spot, il y a un truc qui saoule : la marche ! D’habitude, c’est la marche d’approche qui vous gave, ici c’est celle du retour ! Eh ben ouais les gars, tout ce que vous descendez pour aller aux falaises, il faudra vous le cogner à la montée pour rentrer à la bagnole... Et quand on est bien morts en fin de journée après avoir mis des essais en série dans ses projets du jour, cette remontée paraît parfois interminable. Ceci dit, elle est à la limite d’être réellement interminable lorsque l’on doit remonter des secteurs les plus bas, à droite de la Dalle bleue... Bref, vos petits mollets de coq de grimpeur pourraient bien souffrir.

Venons-en à ce qui nous préoccupe le plus : la varappe. À ma première visite, au milieu des années 80, le site était bien moins développé qu’aujourd’hui, se limitant globalement aux premiers secteurs actuels (Canyon, Bastion, Muraille). Pour commencer, j’ai attaqué par la dalle de “L’écaille”, un truc d’aspect débonnaire au Canyon. J’ai immédiatement compris que cela n’allait pas être gagné de réussir quelque chose ici ! Le rocher est fourbe, il regorge de plein de formes, de vaguelettes toutes fuyantes, de bossettes mesquines, de réglettes arrondies mais pas de bonnes prises. Que c’est délicat et ardu à grimper... Un petit tour en moulinette dans la voisine plus dure de “Aerobic”, 6b+, et le diagnostic est confirmé : c’est vraiment abo ! Les dalles ne s’avérant que peu convaincantes, si nous tentions le coup dans les fissures ? Erreur funeste, c’est encore pire... Il faut dire que, pour une première approche, “On or in”, à la Muraille,  alors cotée 5+ et équipée de manière sensiblement plus aérée, ce n’est pas forcément ce que l’on fait de mieux. Pour replacer le truc, la même voie est aujourd’hui 6a+ et ne les vole pas. Alors quand le 5+ est quasiment ton max, il faut s’employer pour sortir la voie. Dans le  même ordre d’idée, l’autre 5+ de “La cheminée” (Bastion) est à peine moins pire, mais finalement plus abordable quand même. Le temps passant, nous progressons dans les cotations et ouvrons donc notre champ du possible grimpable à St Pancrasse. Mais systématiquement, c’est la rouste assurée lors des premières tentatives dans les pourtant très belles voies du Bastion que sont “Escalope avec une salade”, 6c, “Crêpes au pays bigoudin”, à l’époque 6b+ (!!!), “Coup de lune”, 7a ou encore “Super Vector”, 6b+... Rien n’est cadeau, tout se mérite.

Ce n’est vraiment qu’avec l’ouverture des secteurs plus bas que le site de St Pancrasse a pris sa réelle mesure. D’une part parce que cela à multiplier le nombre de voies, mais aussi et surtout parce que ce sont ainsi de nouveaux styles de grimpe qui sont apparus sur ces falaises, améliorant la variété et donc l’intérêt du spot. Ce n’est pas pour dénigrer les par ailleurs très sympathiques secteurs de droite en haut (Annexe), puisqu’on y trouve quelques-unes des plus belles lignes de St Pan’. Il ne faut, au passage, pas y manquer les classiques comme “Équipement de survie”, 6c+ technico-physique en léger dévers ou “Ganja”, 6b+ et sa voisine en 6b “Fire of love” dont le départ laisse des souvenirs, mais dont le rocher quasi verdonnesque de la suite est exceptionnel. On ne négligera pas non plus les dalles (encore ?!) de “Bip bip”, 6c ou “Micro fissures”, 5+. Mais descendons donc vers les secteurs du bas. En passant sur le sentier, on jettera un œil sur le joli gaz des voies du Balcon, ce qui donnera envie d’aller y poser les doigts. Si l’on en a le niveau, il faut céder à la tentation car c’est majeur ! Poursuivant la descente vers la Dalle bleue, on pourra justifier un arrêt au secteur du Muret pour s’y payer deux ou trois fort jolies voies comme “Turlupine” et “Années métalliques”, deux superbes 6b+.
En cinq minutes de marche supplémentaires, la Dalle bleue et ses plusieurs secteurs s’offrent enfin à vous. Le gros avantage du lieu c’est que l’ombre y parvient en début d’après-midi rendant ainsi l’escalade possible même lorsque le soleil commence à faire violence en d’autres lieux. De plus, les nombreux arbres venant presque lécher la falaise sont aussi agréables pour l’ambiance que pour l’ombre. C’est incontestablement avec ces qualités et la variété des niveaux possibles ici que St Pancrasse a connu son second souffle. Bravo donc aux ouvreurs pour ce joli travail visionnaire. Du 5 au 8, tout le monde y trouvera son compte, même s’il est vrai que les niveaux les plus largement fournis sont le 6 et le 7. On pourra au passage noter que la frénésie équipante est toujours d’actualité sur le secteur puisque François Chopard y a laissé quelques belles œuvres. Le secteur Dalle bleue à proprement parler est riche en lignes d’intérêt. On citera “Valkyrie”, 6c+, “Voie lactée”, 6c, “Criminal lover”, 7b+, “Sacrilège”, 6c+, “Saphir”, 6b, “Hémisphère”, 8a, l’intégrale de “Topaze”, 7b, le superbe 7c+ de “L’attentat”, “Les Pignoufs”, 7b ou encore “Rox et Rex”, 6c en intégral.
Un peu plus loin vers la droite, le secteur de la rampe n’attire pas les foules, mais, malgré un caillou parfois moyen, vaut qu’on s’y arrête pour le 7b de “Nirvana”. Enfin, parvenu au « fond » de la falaise (du moins de sa partie équipée !), voilà le secteur DT où l’on trouve un petit paradis du sixième degré. Certes, on pourra reprocher aux voies d’un peu toutes se ressembler, la faute à un rocher assez particulier, typique des St Pancrasse. Entre alvéoles et strates plus ou moins plates et rondes, la continuité fait vite des dégâts dans les avant-bras ! Il vaudra mieux s’échauffer en douceur avant d’aller tâter du plus dur sous peine de se voir atomiser les bras et de payer cash pour toute la journée... Parmi les plus sympathiques des voies, on remarquera “All right”, 6a+, “Les bidochons”, 6c, “Concerto pour omoplates”, 7a+, “Passion”, 6c, “Obsolète”, 6b+, “Apside”, 6b et “Opale”, 6a+. Attention néanmoins, en début de saison toutes les voies de ce secteur peuvent s’avérer assez sales et devenir alors relativement « smurfantes » voire pénibles pour le premier qui y grimpe et doit tout dépoussiérer !
Le secteur Tétard Park, bien exemplaire de St Pancrasse : caillou sympa, vue panoramique !
Plus récemment, sans dater d’hier non plus, un joli secteur a vu le jour pile au-dessus de la Dalle bleue. Il s’agit de Tétard Park. Auparavant, son accès singulier reléguait ce secteur aux relatives oubliettes de St Pan. Depuis que l’on y accède par un câble depuis le secteur de l’Annexe, tout est plus simple et c’est tant mieux car il y a ici de la belle varappe bien que le niveau moyen soit assez élevé. Jugez-en par vous-même dans la redoutable dalle en 7b de “Sarah Clamax”, dans “Ready to fly”, 6c ou le très classe 8a de “La revanche de tétard”. Depuis environ trois ans, Quentin Chastagnier a entraîné dans son sillage et sur cette vire perchée toute la faune du top niveau régional (voire plus...), grâce à l'ouverture de l'une des plus grosses concentrations de voies extrêmes de la région avec moult lignes entre le 8b+ et le 8c+... et encore quelques projets dans le 9 !

Après cet éclair de modernité, un retour dans les voies dures de la Muraille ou du Bastion est de circonstance, histoire de finir en beauté et en technique. Inévitablement, on se coltinera la démente arête (ne pas négliger la dalle qui suit d’ailleurs !) de “Allée lumière”, LE 7c de St Pan. Le 7c+ de “Autopsie” vaut aussi le détour et seuls les plus énervés iront dans “La loi du retour”, 7c+ bloc et limite pénible ! Pour les amateurs de mur extrême, “Rencontre du 3ème spit”, libéré en 8b+ par Quentin Chatagnier (encore lui !) après 20 ans d’attente, est un morceau de bravoure ultime. Quant à la grande Muraille, après un échauffement impératif dans “Arnica” en 6c, tout est à faire avec une préférence notable pour “Chasseurs de prises”, 7c, “Veuve noire”, 7b et “Bobtail frénétique”, 7c+.

Voilà donc un choix aussi sélectif qu’arbitraire établi au fil de dizaines de journées passées au pied de ces falaises somme toute plutôt cool. Vous me direz sans doute que j’exagère de n’avoir pas parlé d’une voie au dessus du 5+ dans tout ce fichu Best of. C’est pas faux, comme dirait Perceval (les non amateurs de « Kaamelot » sur M6 ne peuvent pas saisir la joke...). Mais très honnêtement, je n’ai jamais fait les voies plus faciles à St Pan ! Alors plutôt que vous distiller des conseils en carton, je m’abstiens. Et puis bon, vous pouvez bien jouer le jeu de la découverte et de la surprise. De toutes manières, même si la voie n’est pas terrible, ce n’est pas bien grave car vous passerez de toutes façons un super moment à cette falaise dont le cadre vaut à elle seule qu’on y passe de temps en temps, quitte à se mortifier les guiboles dans le sentier de remontée au parking... Il y a encore un avenir à St Pan, qu’on se le dise ! La preuve avec les voies ouvertes au cours des dernières saisons par Francois Chopard et surtout toutes le nouvelles abominations de Tétard Park par l'infatigable Quentin Chastagnier.

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