samedi 16 mai 2020

Le Top 10 des 8a de la cuvette (et ses rebords...)

Certains diront qu'on rentre enfin dans le vif du sujet, qu'on va vraiment parler d'escalade. Fini la randonnée verticale pour les mamies, on passe au huitième degré ! Et autant vous dire que ce n'a pas été plus facile de choisir seulement dix voies que d'arriver à en enchaîner une de cette sélection...


1 - La poudre, Les Lames
Comme le dit le vieil adage cuvettard "Tant que la poudre, fait tu n'auras, alors, jamais au niveau 8a, tu n'accèderas". Alors jeune padawan, tu sais maintenant quel but il te faut poursuivre ! Certes La poudre n'est le 8a le plus extrême de la cuvette, mais il a été le passage obligé de plusieurs générations de cuvettards, les formant à une grimpe technique et précise reconnaissable entre mille, tout en leur forgeant un mental d'acier pour face à l'épreuve du "jamais en grimpant, le dièdre tu ne toucheras, uniquement en te vautrant depuis sous le relais, le frôler tu pourras". Mur coupé au couteau équipé par le mythe F. Legrand (The Big), La poudre réalise le prodige d'être une voie de résistance en dalle, avec des placements à régler au millimètre. Le vrai départ (à droite du cube) retourne les doigts avec plusieurs pas de bloc bien exigeants et des pieds ultra-précis à charger, avant d'arriver au premier repos. Démarre ensuite la grosse section de rési technique jusqu'au dernier point où la paroi se couche légèrement. Contrairement aux apparences, ce n'est pas encore relais, il faudra lever les yeux et regarder bien au loin, tout en haut, la chaine qui vous tend les bras. Ne restera plus qu'à puiser dans votre mental pour assurer les derniers placements bien au dessus du point, avec le sus-cité dièdre ouvrant grand la bouche pour vous dévorer en cas d'infortunée zipette. Passage obligé qu'ils disaient !

©Tata La Cuvette

2 - Sidi H Bibi, Espace Comboire
Décidément, encore un mythe. Il fut un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre... et où le gratin mondial de la grimpe se devait de faire un détour pour s'essayer aux voies de la redoutable vire de Sidi à Espace Comboire. L'histoire dit qu'un certain D. Raboutou, alors ce que se faisait de mieux dans le milieu, aurait abandonné un mouskif au dernier point de Sidi H Bibi. Puisqu'on est dans le quart d'heure culturel, il peut être intéressant, pour ces fameux jeunes de moins de 20 ans, de google-iser "Sidi H Bibi" pour découvrir ce monument musical du rock français de l'époque post punk, hurlé par la Mano Negra, figure de proue du mouvement alternatif, anarchiste et libertaire. Car oui, à l'époque l'escalade n'était pas un sport, mais un mode de vie, un truc de rebelles enclins de liberté, un moyen d'expression et de revendication. La voie c'est un peu de tout ça. Un truc d'énervés avec des prises bien loin à aller chercher, de bons mouvements dynamiques précis, des blocages bien violents, des prises qui ne se laissent pas faire facilement, un final où il faut hurler sa peur de tomber sous le relais, un équipement de rebelle bien loin du standard actuel de la fédé et surtout une ligne unique à l'issue de laquelle tu te surprendras à enfin pleinement saisir le sens des paroles de Dieu "tout simplement tu es là, tu es libre, tu es heureux, avec ton sandwich et ton verre d'eau" (pour les moins de 20 ans encore, il s'agit d'une célèbre citation de Patrick Edlinger, alias Dieu... fais encore tourner Google si ça ne te dit rien... mais ça serait bien triste...).

3 - Nobody perfect, Saint Égrève
Une ligne un peu oubliée, du mur un peu oublié de Babylone à St Egrève. C'est pourtant là que les premières voies dures (7b, 7c et plus de la région) furent ouvertes, au siècle dernier. La plupart en dalle, sauf Nobody is perfect qui offre le luxe de partir dans une lame déversante sur une fine colo très abrasive, avant de basculer sur un pilier très esthétique et bien éprouvant, pour enfin finir par une fine section en dalle ultra-technique et bien à pied. Un ensemble de premier choix, avec toute la palette de styles de grimpe possibles, sur un caillou presqu'encore tout neuf. Un grand voyage au pays du siecle dernier où l'on appreciera, entre autres, la prouesse des anciens à charger ces croutes avec de EB Super Gratton aux pieds (le quart d'heure historique se prolonge, vous pouvez aussi google-iser...).

4 - Chat noir, chat blanc, DJ Face
Certains équipeurs ne prennent pas souvent le perfo, mais quand ils le font c'est à bon escient. Good job Manu Tessane pour ce Chat noir, chat blanc ! Après un départ dans une espèce de fissure-dièdre pas trop dure, on traverse vers la droite par un premier crux pour rejoindre l'envolée sommitale bien concretionnée avec une espèce de mono colonne évasée... Bien sûr, plus on monte dans la voie, plus on est cuit et plus la résistance va crescendo, histoire de vous faire tomber en haut de cette graaaaaande longueur. Je ne résiste pas à citer Foué Chopard quant à la genèse de la voie : "Pour la petite histoire, à l'ouverture Manu n'avait pas mis le dernier point. En essayant, il s'était mis complètement terreur et avait sauté sur une grande chasse d'eau qui pendait du relais, manquant de se la coller en faisant Tarzan. Finalement il a rajouté un point !"

©Tata La Cuvette

5 - Claire obscure, Satan
Pour changer du quatuor de tête, enfin une falaise moderne avec un style bien à la monde, loin de l'escalade sado-maso des anciens. Et dans ce monde de djeuns, il y a aussi de la place pour les voies majeures, voire même les futurs mythes, comme cette superbe ligne de Claire Obscure. Un grand voyage de conti de 35 mètres qui démarre en douceur, avant un bon pas de bloc physique et une suite incroyable sur bonnes prises où il ne faudra pas mollir. Ce n'est pas le 8a le plus dur du monde, mais c'est assurément l'un des plus beaux. Attention aux sirènes de la mode, devant tant d'attraits, il n'est pas rare de voir une palanquée de fashion victims faire la queue au pied, attendant patiemment de voir leur heure venir...

©Tata La Cuvette
6 - Cobalt, L'abbatoir
Malgré sa mauvaise réputation, sûrement due aux éboulis qu'on peut apercevoir depuis Grenoble, le Néron possède aux pieds de ses crêtes quelques magnifiques morceaux de calcaire extrêmement compacts. L'Abattoir, strié de coulées bleues, jaunes et oranges, en est un. Et Cobalt y remonte la magnifique coulée bleue centrale. Une voie de rêve à équiper. Une ligne esthétique et évidente ne nécessitant aucun nettoyage. On pose les points et c'est parti, on grimpe ! Après une approche qu'il vous faudra négocier avec rythme et détermination, vous arriverez à une dernière décontraction. De là, il faudra vous battre sur une grosse vingtaine de mouvements ultra-résistants sur des plats et des règles dessinés en plein dans la masse du rocher. En guise de crux, une relance main gauche lointaine en plein milieu de la section de résistance avant un dernier fermé de bras torride, la tête dans le relais, qui vous fera frémir jusqu'au dernier instant.

© Flo Plaze
7 - La revanche de Tétard, St Pancrasse
Sur cette vire perchée de Tétard Park à St Pancrasse, avec un panorama incroyable sur le massif de Belledonne et toute la vallée du Grésivaudan, on trouve une sacrée brochette de voies sympa. Souvent dures, voire très dures même, mais sympa ! Comme entrée en matière, le 8a de La revanche de Tétard est la voie parfaite : un départ bien hargneux (mais vraiment, hein...) sur des petits bouts de colonnettes, puis une traversée en mur raide sur des prises éloignées conduisent à un petit repos. On attaque ensuite une zone plus déversante avec de grands mouvements qui fatiguent pour rejoindre un réta et la section finale certes moins raide, mais où la taille des prises, logées souvent dans de petites concrétions, réduit et oblige à serrer fort les doigts. Ça peut paraître débonnaire lors d'une montée de repérage, mais l'enchaînement n'est jamais si simple...



8 - Fauve à jeun direct, Lans en Vercors
Vue d'en bas, la ligne ne paie pas plus de mine que cela. Et pourtant... Après une première section dont le crux est cette foutue sortie de pseudo-cheminée, on parvient à une conque de repos. Les historiens continueront vers la droite pour suivre la boucle de la voie originale, les hédonistes tireront quant à eux tout droit dans le dévers au dessus. Car c'est cette partie qui fait toute la magie de Fauve à jeun : un bombement gris criblé de trous de tailles diverses, bons pour certains, intenables pour d'autres. Il va falloir faire le tri et surtout trouver la bonne combinaison entre ceux-ci, tout en parvenant à garder les pieds plaqués, pour résoudre l'équation de ce joli bout de résistance qui saura vous solliciter jusqu'au rétablissement final. Un chef d'oeuvre signé, excusez du peu, Jean-Luc Jeunet et Olivier Fourbet (avec Marc Nico) !

9 - Palais des mirages, Pierre Grange
Petit bout de caillou dégringolé des rebords de la Chartreuse, Pierre Grange présente une courte face déversante coupée au couteau et truffée de trous. Les quelques voies, principalement dans la gamme haute du 7ème degré, sont toutes à faire. Palais des mirages est la voie la plus dure. Elle passe droit en plein milieu de ce panneau de calcaire ultra-compact. La voie, bien que très courte, nous fait résister de trous en trous, du sol jusqu'au dernier mouvement. Et le dernier mouvement, le plus dur de la voie, consiste tout simplement en un énorme jeté vers le sommet du bloc. Mouvement final extrêmement frustrant durant les essais ratés, mais totalement jouissif lors de l'enchaînement ! Vous pourrez même vous rétablir sur la Pierre Grange et défaire votre noeud avant de laisser filer la corde dans les dégaines, une vision de Chris Sharma debout au dessus de l'arche d'Es Pontas vous traversant l'esprit, avant de redescendre par l'autre côté du bloc.


10 - Trapèze dans l'azur, Tina Dalle
Sans doute que si l'on ne devait retenir qu'une seule voie de Tina Dalle, ce serait celle-là ! D'abord pour la superbe ligne qu'elle parcourt, avec en particulier la première partie composée de deux rails de colonnes qui finissent pas se rejoindre en un point de convergence unique. Ensuite pour la qualité du caillou et la variété des prises rencontrées, même si la patine des prises commence par endroits à se faire sentir. La grimpe requise sera du coup elle-aussi assez variée, tantôt bien physique, tantôt plus technique, mais toujours avec une recherche des repos les plus malins (et il y en a !) pour parvenir à enchaîner ce beau morceau. Trapèze dans l'azur, c'est un passage obligé pour le cuvettard en exil du week-end dans le Vercors, un must qui se doit d'être inscrit dans le carnet de croix, une bien bonne entrée en matière dans le 8ème degré. Et pour ceux qui ne sont pas réfractaires à quelques prises bricolées (!), l'extension proposée par Okto diktat (8a+) vaut la peine d'être parcourue.
©Tata La Cuvette

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