De Paul Preuss à Alex Honnold, en passant par Claudio Barbier ou Patrick Edlinger, le solo a toujours été la forme ultime de l'escalade, celle qui engage intégralement son auteur qui risque jusqu'à sa vie dans une ascension. Il est assez étonnant d'ailleurs que dans le monde actuel aseptisé qui est le nôtre et auquel l'escalade n'échappe pas, cette pratique totalement "border line" parvienne encore à garder une place.
Il reste néanmoins qu'il convient de se questionner sur deux points :
1 : tout d'abord l'apparente contradiction qu'il peut y avoir, pour les (rares) pratiquants de cette discipline, entre l'essence même du solo intégral et "l'usage", qui en est fait. Par définition, le solo intégral (sans aucun dispositif permettant de s'auto-assurer en cas de besoin) est une pratique qui confronte le grimpeur à une voie, à une difficulté mais surtout à lui-même. Pour en avoir un peu fait, je ne sais que trop que c'est normalement cet aspect en particulier qui est recherché. Il m'était par exemple impossible d'envisager une ascension de ce type si quelqu'un était présent sur la falaise en même temps. Radicalement égoïste (voire égotiste...), le solo intégral imposerait que la solitude soit totale pour que le "jeu" soit respecté. Mais depuis que les médias s'y intéressent, voire ne voient l'escalade que par ce prisme plus qu'étroit mais ô combien plus vendeur qu'une compétition sur un mur et des prises en plastique, le solo est devenu un argument commercial : pour les médias pour vendre leurs sujets, mais aussi pour les grimpeurs pour en tirer un profit, symbolique ou pécunier. De fait, le solo est certainement devenu l'acte de grimpe le plus médiatisé, le plus public et donc... le moins personnel !
Patrick Edlinger mettant les mains moites d'angoisse à la France entière en soloant le 6c+ de "Débilof" au Verdon dans "Opéra vertical" passant dans les célèbres Carnets de l'aventure dans les années 80, voilà un exemple criant. Alain Robert, champion mondial de la surmédiatisation de soli sur les plus grands édifices du monde, en est un autre.
2 : l'intérêt des médias pour le solo est-il plutôt orienté vers la performance pure ou vers une attirance pour le morbide ? Pour la presse spécialisée, on peut penser que c'est bien sûr la performance en elle-même qui laisse pantois. Pour exemple, lorsque j'ai appris la réalisation de "Weg durch den Fisch" en solo par Hans-Jorg Auer, j'ai halluciné. Pour moi, cette ascension vaut tout autant que les plus difficiles 9ème degré enchaînés au soleil des falaises catalanes par exemple... Je considère même cette réalisation comme l'une des plus marquantes de l'Histoire (oui, avec un grand H !) de la grimpe.
Hans-Jorg Auer, seul et sans corde dans l'immensité de la voie du Fisch (7b+), Marmolada, Dolomites (Photo DR) |
Que l'on ne se méprenne pas : je ne crache pas dans la soupe, ce que font ces solistes est exceptionnel et ne regarde qu'eux en termes de comment est gérée la "publicité" (à comprendre comme rendre public, mais aussi comme vendre de la performance). Il me paraissait néanmoins intéressant de se pencher à nouveau sur ces questions à un moment où le solo sur rocher revient plus souvent sur le devant de la scène grâce aux incroyables réalisations du jeune américain Alex Honnold. Maintenant, à chacun de se faire sa propre opinion sur la question, sachant que l'on est guère à même de vraiment comprendre le solo que si on l'a expérimenté soi-même...
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