1 - Bienvenue à bord, Les Lames
Imaginez un mur calcaire ultra-compact, blanc et gris, de plus de 30 mètres de haut et environ 8 mètres de large. Imaginez que sur ce bout de caillou, il y ait une multitude de trous, environ un tous les 10 cm dans toutes les directions. Imaginez que plus de la moitié de ces trous soient quasi-inutilisables pour le grimpeur. Imaginez le nombre de combinaisons possibles pouvant servir de méthodes. Ça fait mal au crâne ? Vous êtes au pied de Bienvenue à bord, et la voie porte bien son nom ! Cette voie se compose de trois grosses sections, entrecoupées de vagues repos matérialisées par des strates horizontales permettant de soulager les doigts et surtout les pieds et les mollets. Il faudra être fan des bidoigts et de la pose de pied en pointe pour apprécier ce voyage au long cours, mais quelle récompense. Chercher ses méthodes pourra prendre du temps et solliciter très fortement la mémoire. Pour ma part, j'avais "triché" en mettant des petites marques de craie sur les prises : jaune pour les mains, vert pour les pieds. Jean-Claude Gilles travaillait la voie en même temps, mais nos méthodes n'avaient pas grand chose de commun, alors lui c'était bleu pour les mains, rouge pour les pieds. C'était l'Arlequin sur calcaire et, à la première pluie, tout était effacé et il fallait recommencer... quelle rigolade, avec le recul. Un dernier conseil : repérer bien la sortie, il y a un pas bien retors qui pourrait vous faire choir en choppant la vire du relais (expérience vécue...) !
2 - Le pays des merveilles, Les Saillants
Alors là, on tient sûrement la plus belle voie de toute l’Isère et peut être même du monde ! À moins, que ce ne soit sa variante de sortie de droite, toute aussi sublime. Des mouvs complétements déments sur un caillou de folie de bas en haut. Bloc, rési, conti, tout y passe. Nous voici au secteur Résurgence des Saillants du Gua. On est ici devant une imposante lame de calcaire, comme sortie d'une rivière pour être sculptée par les dieux (NDLNR*: c’est d’ailleurs une honte que Plats de résistance ne fasse pas parti du top 10 des 7c). Les prises n’ont que très peu de grain, ce qui oblige à être d’autant plus précis dans son escalade. La voie commence par une section de rési/bloc bleausarde sur des plats somptueux juste au-dessus de la résurgence qui sort du pied de la falaise. Après un repos, on remonte une section à l'effort crescendo particulièrement coriace, toujours sur ce superbe calcaire de rivière, pour enfin sortir du dévers. On pourrait croire qu’on est tiré d’affaire, mais il reste la cerise sur le gâteau : un dernier pas, qui ne change rien à la cotation mais où il est encore possible de tomber. Les vieux renards des falaises useront de toutes leurs ruses afin de rendre la chute quasi-impossible, mais ils frissonneront tout de même à l'attaque de la section finale les menant au relais. Le pays des merveilles est une véritable king line, tant par la beauté de l’effort que celle du rocher ou encore de la gestuelle, rien n'est à jeter, un véritable bijou !
*Note De La Nouvelle Rédaction
© Flo Plaze |
3 - 14/4 de dévers, Chamrousse
Alors là, on monte tout en haut du rebord le plus haut de la cuvette et on change radicalement de style. Bienvenue à Chamrousse et fini les voies sur micro-croûtes dans du léger dévers. On passe à la conti sur bacs en plafond ! La grotte de Casserousse, voilà un petit paradis pour qui aime tirer très fort sur des bons trous dans un dévers plus que généreux. Parfait pour l’été, même en pleine canicule ! Bien que le relais de 14/4 de dévers ne culmine pas à plus de dix mètres de haut, il faudra grimper une bonne grosse vingtaine de mètres de plafond avant de se rétablir pour espérer le clipper. Une longue section à l'horizontale vous amènera jusqu’au rebord du toit. Un repos pendu, talons et contre-pointes coincées permet de négocier le pas de bloc final qui consiste en quelques gros fermés de bras sur bidoigts. On se croirait presque à Margalef, l’ambiance alpine en plus ! Vous pouvez même découvrir ça en vidéo ICI
© Flo Plaze |
Cette voie est clairement l'une des pépites de Satan... et même au-delà ! C'est une ligne logique, qui impose de louvoyer autour des points. On doit y produire un bel effort de résistance qui fait diablement monter la température des bras, tout en se cognant quelques petits pas plus durs que le reste (mais concentrés dans le second tiers de la voie) pour mettre la pression dans l'enchaînement. Mais surtout, on découvre tout du long l'un des plus beaux morceaux de caillou du spot : écailles, réglettes, trous, alvéoles, tout y passe pour le plus grand bonheur du grimpeur... à condition qu'il ait un peu de corne au bout des doigts, parce que ça broute bien !
© Mat Mazuel |
5 - La fièvre, DJ Face
Si la devise du secteur de la Petite DJ peut se résumer, sans aspect péjoratif aucun bien au contraire, à "Bidouillage, taillage et bourrinage", c'est sans compter sur cette voie à part, à l'extrémité droite du secteur. La couleur du caillou, entre brun et jaune, et l'inclinaison bien moins impressionnante que dans les ventres bombés centraux, dénotent un singularité qui attirera le cuvettard que vous êtes, de nature exigeant et curieux. Ce mur détaché, à l'orientation différente du reste du mur, possède comme un côté mystérieux qu'il faudra s'empresser d'aller percer. À commencer pas la première section en dièdre physico-technique, pour ensuite quitter les rondeurs de Lost highway to hell (sa voisine de droite, un 8a hautement recommandable lui aussi) et partir sans repos vers une succession de sections étranges et bien à sensations jusqu'au sommet de la falaise. Un côté envoutant et unique, pour une voie d'ampleur et des souvenirs émus...
© Tata La Cuvette |
6 - Vibration transmutatoire, Fontaine
En voilà un nom de voie évocateur et parfaitement à propos. Donc si vous voulez vibrer, dans tous les sens du terme, au dessus des points, en serrant les prises et surtout les fesses dans un de ces mouvements utra-physiques, pas d'hésitation possible, c'est là qu'il faut aller. À coup sûr, vous ressortirez de ce morceau de bravoure complétement transformé, transmuté en un bien meilleur cuvettard au mental à tout épreuve. Dernière vertu, cette voie vous permettra aussi de faire le tri parmi vos potes, entre bons et mauvais assureurs, en fonction de vos hurlements de galinette cendrée, lorsque brouquille, vous choirez au prix d'un plomb des plus mémorables !
7 - Angel's song, Tina Dalle
Si vous cherchez un vrai test de résistance et un mètre-étalon du 8a+, n'allez pas chercher plus loin qu'Angel's song ! Ça commence par une petite section un peu bloc où l'on serre fort les prises, Après une accalmie relative de quelques mètres, ça attaque sévèrement dans un crux qui dure une bonne dizaine de mouvements, tous bien intenses et nécessitant de trouver les bons placements de pied et pousser fort dessus malgré le dévers. Après un petit repos, la sortie est certes moins dure, mais exige là encore un peu de calage pour atteindre le relais. Essoufflement assuré à l'arrivée au relais. Si vraiment ce n'est pas le cas, c'est que vous serez assez solide pour enquiller la suite qui fait monter la cotation à 8b avec Suzanna !
8 - La danse du tourteau, St Pancrasse
Des années avant l'ouverture du secteur de Tétard Park, Foué Chopard, auteur de cette voie, est bien descendu dans cette zone deux ou trois fois. Et à chaque fois il trouvait que c'était trop lisse... Au final il a trouvé cette ligne, vraiment majeure, homogène et résistante à souhait... Comme il était dans sa période nom d'animaux aquatiques avec La grimpe de l'eau tarie ou La gymnastique du pinnipède (un peu moins dures), et comme il était fier de cette voie, La danse du tourteau est un nom qui est venu naturellement. On vous laisse deviner qui est le tourteau en question... Et puis au final, là où il trouvait que c'était trop lisse, les petits mutants locaux ont planté deux voies à gauche et à droite, pour en faire des 8b+. Comme quoi il faut savoir rester humble !
9 - Gorilla biscuit, Pierrot Beach
Voici une vraie voie d'esthète de la varappe ! Pour se l'offrir, il faudra faire l'effort d'une première petite longueur facile et d'un relais suspendu pour l'assureur. Il faudra aussi disposer d'une bonne paire de biceps pour fermer fort les bras dans les mouvements souvent surphysiques, dans un dévers vraiment prononcé sur le premier tiers de la voie. Ne croyez pas être sorti d'affaire après, ça reste du même acabit jusqu'à la fin... et c'est long, très long ! Si Pierrot Beach est récemment redevenu à la mode, soyez assuré que votre tranquillité sera totale dans cette voie (comme les autres de cette petite vire en seconde longueur !). Et pourtant, on trouve là quelques-unes de plus belles voies du site, pour ne pas dire du Vercors !
10 - Elliot le pilote (L1), Saint Ange
Pour celle-là, on reste dans le caillou orange de St Ange. Là où le rocher semble lisse. Et pourtant, il y a pile poil de quoi grimper ! On commence par un mouvement qui pourra rendre fou les grimpeuses et les grimpeurs de moins d’un mètre quatre-vingts ou qui n’ont pas une allonge d’orang-outan. Puis ça enchaine direct dans des grands fermés de bras sur petites arquées plates jusqu’à arriver sans transition devant une grosse boule de rocher. Et là, il va falloir faire parler toute sa technique et toute son inventivité pour trouver des méthodes permettant de se défaire des prises rondes et plates qui s’offrent à nous pour sortir de ce gros nez de rocher orange. Puis s’ensuivra encore quelques mouvements sur des prises toujours plates pour atteindre le premier relais d’Elliot le pilote.
Pour toucher du caillou gris, il faudra se battre dans un superbe pas de bloc de plus pour rejoindre le sommet de la falaise et ainsi faire monter la cotation à 8b/+.
Des mouvements tout en sensations et pas une seule bonne prise, vous l’aurez compris, la première longueur d’Elliot mettra tous vos talents de grimpeur à l'épreuve et pas seulement vos capacités physiques.
Salut !
RépondreSupprimerSuper classement, merci pour les conseils avisés !ça sent le vécu.
J'aurais mis "je grimpe donc je suis" aux Lames pour le coté historique et "vibration transmutatoire" en n°1 !!! ;)
Pour Angel song et Gorilla biscuit il faut prendre quel tram (ou bus) ?
Sympa en tout cas cet article, il respire la passion.
A une prochaine sur nos belles falaises !
Je signe : Bérenger
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